zankana

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Un rêve Maghrébin en instance

Le 28 du mois courant se sera passé jour pour jour cinquante et une années de la tenue de la conférence de Tanger. S’en rappellera-t-on encore aujourd’hui, surtout chez la frange des jeunes Maghrébins ? Rien n’est moins sûr. Est-il encore permis de commémorer ce grand événement, né de l’enthousiasme unioniste du Maghreb et de l’euphorie de s’être affranchi du joug colonial ? Il me semble que oui pour au moins , faire la lumière sur les raisons de l’échec de l’idéal Maghrébin. Pour, aussi, faire le parallèle avec l’Union Européenne, qui compte aujourd’hui 25 membres, dans l’attente de son élargissement à d’autres. Une Union Européenne institutionnalisée, avec ses commissaires ( ministres supranationaux), ses parlementaires et sa monnaie unique, l’Euro (sauf pour la Grande Bretagne qui maintient sa livre sterling). Ensuite, pour rappeler que cette Union, vers 1956 en était encore au stade d’une Communauté Economique Européenne (CEE) comptant six membres ; mais que de chemin ayant été parcouru et d’eau ayant coulé sous les ponts depuis lors. Enfin pour tirer les enseignements en s’interrogeant pourquoi les Européens ont réussi là où nous avons échoué. A défaut de cette interpellation objective, ce serait céder au fatalisme ou à la malédiction. Et les Européens auront raison de leur négative perception de nous.

Les Maghrébins ont tout à fait raison de se rappeler et le devoir de rappeler la conférence de Tanger du 28 avril 1958 ayant réuni les leaders politiques de trois pays Maghrébins –Maroc, Algérie et Tunisie, pour discuter des jalons d’un projet de solidarité voire d’union du Maghreb.

1958 était la genèse de l’idéal Maghrébin, un projet qui s’était élargi à la Libye et la Mauritanie et institutionnalisé, dans le cadre de l’Union du Maghreb Arabe ( UMA) née en 1989.

Mais qu’advint-il de l’UMA , aujourd’hui ? Elle demeure une institution en panne, avec la persistance des mêmes maux dont souffre l’espace Maghrébin, à savoir la balkanisation, des querelles intestines empirant en entre déchirement , la dispersion des efforts, l’éparpillement de peuples que tout prédispose à l’union et enfin le même souci égoïste d’Etat- Nation qui anime les gouvernants et les politiques des pays du Maghreb.

Est-ce que les peuples du Maghreb ne voudraient-ils pas de l’union ? je serais étonné qu’ils n’en veuillent pas. D’ailleurs, jamais l’occasion ne leur avait été donnée pour se prononcer sur leur destin communautaire. Et les gouvernants voudraient-ils de cette union ? La question demeure entière. Et l’Europe encouragerait-elle cette union ? oui, des bouts de lèvres, mais dans les faits l’Europe pragmatique ne recule devant aucun stratagème pour diviser et régner sur le Maghreb, car un Maghreb uni et unitaire est antinomique aux desseins du " développement inégal ". Il suffit pour s’en rendre compte de constater l’importance et l’impact des revenus outre-mer sur le PNB d’un pays comme la France .

Ne serait-elle pas cette Europe qui avait érigé en principe sacro-saint " l’intangibilité des frontières " à la veille des indépendances des pays Arabo-Africains, pour empêcher toutes velléités unionistes ?

Personnellement, j’accuse de complot du silence les intellectuels qui font le jeu des politiques, au lieu de jouer leur véritable rôle de " censeur " et de locomotive de débats d’idées et de rayonnement culturel.

Et si on organisait un référendum à l’échelle Maghrébine, pour demander aux gouvernés leurs intentions et avis sur leur " vouloir vivre en commun " ? La réponse serait manifestement un oui massif au destin communautaire Maghrébin.

Un sondage des peuples Maghrébins aurait révélé leur vouloir vivre en commun, pour des raisons de communautés, ethnique, religieuse et linguistique d’une part et de complémentarité de potentiel économique d’autre part. Le Maghreb, c’est un marché d’environ cent millions de consommateurs ; ce sont des ressources naturelles représentant 3% des réserves mondiales du pétrole, 4% de réserves en gaz naturel et 50% des réserves mondiales des phosphates. Et pourtant, le niveau des échanges inter- maghrébins ne dépassent pas 3% de l’ensemble des échanges des pays membres avec l’extérieur. Cette part demeure très faible, par comparaison à d’autres groupements régionaux tels Mercosur (15%) ou ASEAN (22%) et 56% pour NAFTA.

Qu’est-ce qui entrave l’intégration des pays du Maghreb et empêche une volonté communautaire, forte chez les peuples , pour ne pas se concrétiser au niveau des Etats ? Faudrait-il le rappeler, l’ensemble des atouts dont dispose le Maghreb met les gouvernements devant des défis économiques importants. La réactivité de l’UMA est un facteur primordial à cause de la réactivité des contraintes elles-mêmes. Le coût du non- Maghreb est suffisamment élevé aujourd’hui pour s’y complaire. Il sera d’autant plus élevé à ‘horizon 2012, car les mutations économiques intervenues ne permettent plus un marché exigu et cloisonné et nous imposent une intégration tout azimut, comme unique voie au développement.

Parmi les obstacles, l’on peut relever la multitude des conventions et leur caractère parfois contradictoire, car inscrites dans des cadres juridiques différents. Il en est ainsi de la convention de libre échange Arabe en plus de l’appartenance de la Tunisie et du Maroc à la convention de libre échange Arabo- Méditerranéen. Force est de reconnaître le poids des engagements des pays Maghrébins avec l’UE et son impact restrictif sur les opportunités d’amélioration des échanges inter Maghrébins. Plus que jamais, il est nécessaire de mettre en place un véritable espace économique Maghrébin, en repensant l’ordre des priorités, avec pour finalité la création d’un environnement efficient pour les échanges commerciaux et les investissements. De plus, il incombe aux Etats Maghrébins d’harmoniser leurs réglementations fiscales et bancaires ; adopter une approche commune dans leurs négociations avec l’UE ;

Pour identifier la pierre d’achoppement à notre rêve communautaire Maghrébin, un parallèle avec l’Union Européenne serait certainement révélateur. Pourquoi celle-ci a-t-elle abouti, malgré de nombreuses dissemblances et quelques inimitiés historiques ? Une explication, la plus importante : le mode de gouvernance démocratique, qui constitue le dénominateur commun des pays Européens et le socle sur lequel repose l’union.

Les peuples maghrébins, il s’agit en fait d’un seul, ont-ils tort d’aspirer à l’Union ?

Serait-ce vrai, parce que nos Etats respectifs préfèrent que chaque peuple Maghrébin soit administré par une gouvernance sur mesure, au mieux du génie et du " bel agir " de ceux qui le gouvernent, dans le cadre d’Etats Nations ?

Serait-ce parce que nos Etats respectifs seraient plus soucieux de nos spécificités, dont ils sont les gardiens envers et contre leurs peuples, qui eux voudraient diluer leurs particularismes, s’il en est, dans un rêve communautaire ?

Et notre amie l’Europe, qui clame à cor et à cri les valeurs de la démocratie et exhorte les maghrébins à l’union, quel serait son lot de responsabilité dans notre échec unioniste ?

Ne serait-ce pas elle, par ses conquêtes coloniales du 19 et 20 ième siècle, qui a crée dans le chaos, ces Etats Nations et ces souverainismes fratricides et liberticides ?

Ne serait-ce pas elle, qui avait imposé le principe de " l’intangibilité des frontières ", pour empêcher toute velléité à l’union des ex-colonies, au lendemain de leur indépendance ?

Ne serait-ce pas elle, et de façon insidieuse , qui divise, au mieux de ses intérêts, les maghrébins pour les maintenir, en chasses gardées économico- financières.?

Ne serait-ce pas elle, qui prêche l’unionisme des Etats Maghrébins, au niveau du discours et alimente leurs particularismes, au niveau des actes, dans une ambivalence criarde ?

Il est devenu urgent aujourd’hui de conférer au Maghreb plus de capacité pour mieux faire entendre sa voix et défendre ses intérêts. Ce ne peut se faire que par la mise en place d’une feuille de route qui revigore l’esprit qui a présidé à Marrakech en 1989, date de la naissance de l’UMA.

L’idéal unioniste doublé de l’idéal démocratique demeurent la seule recette pour accélérer le développement socio - économique et aider à l’amélioration des conditions de vie des populations Maghrébines et surtout offrir à nos jeunes un meilleur accès aux opportunités économiques, d’autant que le taux du chômage dans les pays Maghrébins reste relativement élevé, entre 15 à 20%.

Mostafa Melgou.



24/04/2009
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