zankana

zankana

Transhumance des parlementaires : le contexte.

Aujourd’hui, au Maroc, nous n’avons pas moins de trente six partis politiques. Ceux-ci seraient-ils porteurs d’autant de projets et de choix de société à offrir aux Marocains ? Ou bien, sommes-nous, tout simplement en face de partis électoralistes, qui ne se réaniment et ne se réactivent, qu’à l’occasion des échéances électorales ? Nous n’en voudrons pour preuve que cette fièvre de la transhumance qui s’est emparée des " représentants de la Nation ". Anticipant sur les prochaines élections législatives et au moindre doute sur le renouvellement de leurs mandats, les députomanes ou députodépendants transmutent sans vergogne en d’autres couleurs. Ils vont à la quête d’accréditation future auprès des partis qui ont le vent en poupe. Le récipiendaire des temps modernes est aujourd’hui le Parti pour l’Authenticité et la Modernité (PAM). Hier, c’était l’Union Constitutionnelle (UC), du temps de Maître Maâti Bouabid, alors premier ministre. Avant hier, entre fin 70 & début 80, c’était le Rassemblement National des Indépendants (RNI) du Premier Ministre Ahmed Osman. Donc, le phénomène de la transhumance et de la transmutation n’est pas nouveau dans la culture politique Marocaine. Il est bien ancré dans les mœurs politiques de notre pays. De PPS ( Parti pour le Progrès et le Socialisme) le parlementaire se mue en RNI ; de FFD (Front des Forces Démocratiques), il se mue en PAM, au mépris des programmes du parti accréditeur, des voix et choix des électeurs qui l’avaient porté à la députation. Cependant, Il ne sert à rien de s’acharner sur le PAM, surtout en faisant valoir la morale et l’éthique, dès lors que bon nombre de partis sont logés à la même enseigne des " mues " parlementaires. Si le PAM est aujourd’hui le principal réceptacle des transhumants, il pourra demain en être le pourvoyeur, au gré des contingences politiques. Ainsi le voudrait l’alternance de la transhumance partisane qui est en train de rendre sans objet les élections, nihilistes les institutions politiques et absurde le partisme. Ce triste constat est aux antipodes de l’essence même d’un parti politique et de sa finalité. Parce que, qu’est-ce un parti politique ? C’est un rassemblement de personnes actives (les militants) véhiculant et défendant des valeurs et idéaux communs. Il y aurait, ainsi, autant de partis, qu’il y a de projets de société bâtis sur des programmes politiques, économiques et sociaux. le Maroc a encore besoin de discours idéologiques, qu’il faudrait entendre comme un discours sur les idées. Que l’on ne se méprenne pas, j’entends par idéologie l’ensemble des valeurs culturelles et spirituelles, qui constitueront le socle du projet de société que l’on voudrait vivre en commun. Je rappelle à ce propos, aux tenants de " la faillite des idéologies ", que leur discours sied aux sociétés de la normalité démocratique ou les démocraties parfaites. Celles qui ont déjà accompli leur modernité voire, entamé l’après modernité. Mais, Il est hors propos, quant aux sociétés- comme la nôtre- où la démocratie est imparfaite et la modernité, un devenir. A ce propos, les partis politiques ont beaucoup de pain sur la planche.

Que les partis cessent de mener en bateau- par leurs programmes /slogans - le concitoyen qui, lui, doit cesser de se bercer d’illusion. Car, nous n’en sommes pas encore au stade de " démocratie- moyen " ou démocratie en tant que mode de gouvernance. La démocratie demeure dans notre pays un idéal, si elle ne relève pas purement et simplement du vœu pieux. Le pire des impostures partisanes c’est de faire croire que notre pays est dans la normalité démocratique. Ce faisant empêche la véritable transition démocratique de se produire avec le gros risque de maintenir tout un pays dans une salle d’attente. Le champ partisan au Maroc souffre d’une grande ambivalence. L’on dit la chose et l’on fait son contraire. Bien entendu, tous les partis politiques marocains se gargarisent de défendre les droits de l’homme, les libertés publiques et privées, l’état de droit et font de l’idéal démocratique leur credo. Mais, beaucoup d’entre eux font dans le Maraboutisme, la Zaouia et l’allégeance, c’est à dire dans la négation démocratique. Le constat aujourd’hui révèle une pléthore de partis en situation de psalmodie monodique où le pluralisme ne serait plus qu’un foisonnement de monoïdéismes et le multipartisme, une reproduction caricaturale des mêmes "singuliers ".

Le Maroc a t-il vraiment besoin de tant de partis unidimensionnels ? Oui, si la raison d’être était de procréer une poignée de ministres, pour la mosaïque gouvernementale ou de députés, pour les besoins du " cirque " parlementaire. A ce propos et participant du postulat que la députation n’est pas un métier, car on peut être député- avocat, député- médecin ou député- instituteur, il me semble nécessaire de revoir le mode de rétribution des " représentants de la Nation ", leurs rémunérations actuelles relevant plutôt de la sinécure que d’émoluments mérités. Je n’en veux pour preuve que le niveau d’absentéisme effarant de nos parlementaires. Sachez que nos lois de finances – lois pourtant constitutionnelles qui engagent les Marocains sur un exercice- sont parfois votées par moins de 100 députés sur un total inscrit de 330. Il suffit de dégrossir la députation des moult avantages pécuniaires et en nature, pour constater qu’ipso facto l’épidémie de la transhumance dépérira d’elle-même.

Non, le Maroc n’a pas besoin d’autant de partis politiques, s’il s’agissait, pour ceux-ci de prôner- chacun- un projet sociétal qui les distingue, les choix n’étant pas si multiples.

N’est-il pas opportun aujourd’hui de se rendre à l’évidence pour reconnaître que la véritable démocratie ne peut voir le jour dans un contexte caractérisé par une prépondérance de l’analphabétisme et de la pauvreté ? Ces maux sont à l’origine de toutes les manipulations électorales par le passé et qui persistent encore de nos jours, mais sous des formes de plus en plus inédites. Pire encore, elle a poussé le Marocain au désarroi et à la désaffection de la chose publique, comme en témoigne le niveau de l’abstentionnisme qui croît, à chaque consultation, un peu plus, à cause justement d’un contexte politique de piètre presse.

Il est temps que les partis politiques se rappellent leur mission originelle, de surcroît constitutionnelle, à savoir l’encadrement du citoyen et l’organisation de la société. De plus, les leaders de ces mêmes partis doivent s’astreindre à un référentiel de comportements démocratiques, pour servir de valeur d’exemple à leurs militants, sympathisants et au citoyen lambda. Sur un autre registre, les partis politiques Marocains sont peu entreprenants en terme d’études de conjoncture et d’enquêtes de société. Les officiels de ce pays avancent, sans être inquiétés, des chiffres qui relèveraient plutôt de la conjecture, sur le PIB, le taux de croissance, le taux du chômage, le niveau de pauvreté et récemment les classes moyennes. Silence radio du côté des partis : Pas de constats ni de chiffres contradictoires sur les indicateurs officiels de performance, pour permettre aux Marocains de faire la part des choses. Les partis politiques avalent les couleuvres chiffrées de l’Administration de la même façon que l’homme de la rue, comme du temps de la Pravda- organe de presse du parti unique de l’ex URSS. Les " think tank " des partis sont-ils si stériles ?

Mostafa Melgou

 

 

 



27/05/2009
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 25 autres membres