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Redressement Legler : les banques ont enfin décidé de rompre leur silence !

Un journal Casablancais s’est fait l’écho que deux des trois banques les plus exposées dans le financement du groupe Legler " exigeraient une contre-expertise du redressement judiciaire, décidé entre les pouvoirs publics et leur directeur de l’entreprise, Driss Snoussi ". Cette information de " bonnes sources " marque, j’en ai bien peur, le prélude à des actions et contre- actions en justice qui risquent de traîner longtemps avant bonne fin. L’imbroglio est déjà perceptible, les deux banques demandant une contre-expertise, le ministre du commerce et de l’industrie, lui, rassurant qu’il s’agit " juste d’audit stratégique pour s’assurer qu’il y a un avenir pour Legler ". Cerise sur le gâteau de la confusion, les banques invoquent la "remise en cause du deal de l’investissement initial de Mad 1,8 bln conclu en 2006 entre l’Italien Legler SPA et le Marocain Atlantic Group ". Un véritable puzzle, car la contre-expertise, c’est à dire le constat contradictoire du redressement judiciaire est une chose, la remise en question du crédit d’investissement, une deuxième chose et le ministre qui se projette déjà dans l’avenir c’est à dire le plan de continuation de l’entreprise, une troisième chose. En somme trois registres différents les uns des autres. Un dialogue de sourd s’il en est. Le redressement judiciaire de Legler sera, me semble-t-il, riche en rebondissements et en enseignements jurisprudentiels. Compte tenu de l’ampleur des sommes engagées par les banques sur le groupe Legler, dont les Mad 1,8 bln ne sont que le côté apparent de l’iceberg, il est temps que le dispositif légal sur le redressement judiciaire soit revu pour être amendé.

Bien entendu, Le livre V du Code de Commerce constitue indubitablement une percée dans le traitement des entreprises qui éprouvent des difficultés dans la continuation de leurs activités. Il a en effet opéré par certaines de ses dispositions une rupture avec l’ancien système de faillite, limité à la liquidation des biens du débiteur défaillant.

Ainsi, en 1996 un système de prévention a été instauré et la procédure de la faillite abolie. Elle a été remplacée par une procédure- le redressement judiciaire- qui privilégie la sauvegarde et la continuation de l’activité. Il s’agit d’une procédure judiciaire qui se traduit généralement par un plan de continuation. Réussira, ne réussira-t-il pas à le faire ? seule la pratique nous le dira. Car il n’y a pas que le commerçant malheureux ; il y a aussi le commerçant peu vertueux voire véreux qui fait du redressement judiciaire un alibi, après s’être rassasié de crédits et avoir appauvri à dessein son entreprise.

Depuis son entrée en vigueur, il y a quatorze ans, la procédure du redressement judiciaire a, dans la pratique, révélé plusieurs insuffisances notamment dans l’appréciation de la solvabilité du débiteur et la précipitation dans la déclaration de la procédure, surtout quand la difficulté de l’entreprise peut être aplanie à l’amiable. Les résultats ne sont pas non plus probants si l’on en réfère aux faibles taux de réussite des plans de continuation et ipso facto au nombre important des redressements qui finissent en liquidations judiciaires. Il est peut-être temps de procéder à la correction de ces dysfonctionnements en amendant le dispositif légal tel qu’il est aujourd’hui. Et si je devais faire une gradation par ordre de priorité et d’urgence, Il faut d’abord commencer par préciser les objectifs recherchés par la procédure du redressement judiciaire, énoncés d’une manière diffuse dans l’article 545, en mettant davantage l’accent sur La sauvegarde de l’entreprise, le maintien de l’emploi et l’apurement du passif.

Deuxième axe d’amélioration, il est nécessaire de prévoir un recours en appel contre la décision du juge-commissaire par le débiteur, en cas d’un rejet jugé arbitraire de la demande d’admission au redressement judiciaire et par les créanciers notamment les banques en cas d’un faux diagnostic financier de l’entreprise que livre l’expert judiciaire.

L’art. 560 définissant la cessation du paiement comme étant l’incapacité d’honorer ses dettes exigibles, l’axe suivant d’amélioration consisterait à préciser la teneur de la cessation, en retenant l’insuffisance de l’actif disponible à couvrir le passif exigible comme critère pour apprécier le défaut, comme le voudrait la définition retenue par la jurisprudence. De plus, il est souhaitable de focaliser sur la passif exigé par les créanciers beaucoup plus que sur le passif exigible pour laisser plus de chances à l’entreprise d’éviter le dépôt de bilan. Car un débiteur qui parvient à garder ses lignes de crédits ouvertes auprès de banques et à obtenir des moratoires de ses fournisseurs n’est pas en cessation de paiement. Laquelle, perçue sous le prisme de la liquidité, doit demeurer le critère déterminant dans l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire, pour autant que soit observée une analyse précise et globale de la situation de l’entreprise. Un constat des plus problématiques à établir, s’il en est.

A propos de la contre-expertise brandie par les banques, ce qui revient à demander une expertise contradictoire, je recommande pour ma part d’aller au delà de cette action pour exiger une audit à mener de préférence par un expert en diagnostic d’entreprises et à défaut par un expert comptable dûment inscrit à l’ordre des experts comptables. L’audit portera sur les comptes de l’entreprise de même que sur ceux des dirigeants pour en déceler les imbrications entre le patrimoine de l’entreprise et celui des dirigeants, non pas sur la base des seuls états de synthèse du dernier exercice (Art. 562) mais sur la base de bilans appuyés d’ETIC, de tableaux de financement et de flux intra-groupe y compris l’origine des fonds des comptes courants d’associés et ce, depuis la date du déblocage des crédits jusqu’à la date de la déclaration de la cessation des paiements. Dans le cas Legler, depuis 2006 jusqu’en 2009 en vue d’une analyse exhaustive des problèmes financiers pour en identifier les origines et s’assurer ainsi des véritables capacités de redressement, à l’aune desquelles le plan de continuation idoine doit être arrêté. Force est de préciser ici que seules doivent prévaloir pour justifier le passif exigible et exigé les dettes commerciales et civiles causées c’est – à- dire en rapport avec l’activité de l’entreprise, à l’exclusion de toutes autres dettes, avant l’ouverture de la procédure de redressement judiciaire.

                                                                                Mostafa Melgou



19/01/2010
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