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Ratio de solvabilité : une décision sage et audacieuse

Du côté des entreprises commerciales et industrielles, le ratio de solvabilité est le rapport entre les fonds propres et le total bilan. Il renseigne sur le niveau des apports des associés par rapport au passif total de l’entreprise de même que sur son degré d’autonomie financière. Par extension, le ratio de solvabilité s’apparente aussi, au ratio du risque liquidatif, dès lors qu’il renseigne, en cas de faillite ou de liquidation de l’affaire, sur ce que perdraient les actionnaires et sur ce que perdraient les tiers, notamment les bailleurs de fonds. Plus ce coefficient est élevé, plus est renforcée la solvabilité et plus les tiers sont sécurisés.

Du côté des banques, le calcul du ratio de solvabilité est plus élaboré. De plus, il revêt un caractère réglementaire sachant qu’il fait partie intégrante de toute une panoplie de règles prudentielles, auxquelles sont assujetties les banques commerciales. Il faut rappeler ici que la vigilance des autorités monétaires participent de leur souci de protéger le système bancaire et ipso facto les déposants et les épargnants. Il n’est pas inutile de rappeler que le métier de base ( core business) des banques est la collecte des dépôts, pour les placer sous de forme de crédits aux emprunteurs éventuels, moyennant, en rémunération, une marge d’intermédiation. Il n’est pas inutile, non plus, de rappeler que les banques ne sont pas propriétaires des ressources qu’elles réemploient. Elles n’en sont que les dépositaires légales. Et pour cause, ces dernières doivent répondre à certaines exigences imposées par les autorités monétaires, tutélaires de la profession bancaire, particulièrement, en terme de ratios de liquidité, de division des risques et de solvabilité. L’on s’attellera à examiner ce dernier ratio à la lumière de la sage décision du Gouverneur de Bank Al Maghrib d’en fixer le taux standard à 10%, qui pourrait à l’horizon 2012 atteindre 12%, pour les établissements bancaires dont les engagements présentent un profil risque élevé.

Après cet assez long, mais nécessaire préambule, essayons de définir en le vulgarisant le ratio de solvabilité bancaire. C’est le rapport entre les fonds propres nets et le total des engagements ( crédits) pondérés d’une banque, le taux minimum de ce rapport ne devant pas être inférieur à 8%, en vertu aussi bien du défunt ratio Cooke (ou Bâle I) ou celui qui l’abroge et le remplace aujourd’hui , le ratio Mc Donough ( ou Bâle II ). J’exclus du périmètre de mon analyse le risque opérationnel et le risque de marché, pour focaliser sur le seul pilier ayant trait au risque de crédit, car c’est de loin le plus important et le plus lourd de conséquence. Il représente à lui seul 85% de l’assiette des trois piliers prévus par Bâle II.

Pour faire simple et par souci de vulgarisation, je retiendrais la quotité pleine de 100%, c’est à dire sans la pondération réglementaire éventuelle. Ainsi, lorsque une banque octroie un crédit de cent dirhams, elle doit en vertu du ratio de solvabilité en vigueur, financer huit dirhams sur ses fonds propres et quatre vingt douze sur les ressources de ses déposants.

Corrélativement et c’est l’enseignement le plus important à retenir, les banques ne peuvent faire des crédits que dans des proportions raisonnables avec leur niveau de fonds propres. Ainsi, pour les crédits sans pondération et sur la base du taux standard, aucune banque ne peut s’engager au delà de dix fois ses fonds propres nets. Car chaque crédit consenti entraînera un niveau de consommation de fonds propres pour la banques, en fonction des pondérations retenues et de la qualité du profil risque de l’emprunteur.

Or et nonobstant les dispositions de Bâle II qui fixent le taux standard du ratio de solvabilité à 8%, le gouverneur de BAM a pris la sage et l’audacieuse décision de porter le taux standard à 10% et le cas échéant à 12%, pour les établissements bancaires détenant un portefeuille de créances sur la clientèle, aux profils risque dégradés. C’est une décision qui sied parfaitement à un contexte où l’environnement financier, malgré quelques percées ici et là, demeure opaque. Et pourtant les banques rivalisent, concurrence oblige, de faire des crédits sur la base d’états financiers souvent peu crédibles, ne reflétant ni l’image fidèle de l’entreprise ni ses véritables performances. Il faut rappeler que le niveau des créances en souffrances aujourd’hui se tient encore, en moyenne à pas moins de 8% des crédits à l’économie. La profession, toutes banques confondues, continue de traîner quelques Mad 37 milliards de créances en souffrance dont la couverture par les provisions ne cesse de plomber les P& L ( profit and loss statement ) des banques.

Le risque de défaut dans le segment de la promotion immobilière haut de gamme se profile à l’horizon, en raison du marasme qui affecte cette offre destinée à la demande étrangère. Il y a des engagements sub-standards , dans l’air, dont les échéances rampantes ne pourront être honorées, faute de recettes des ventes qui tardent à venir. Certains promoteurs immobiliers du haut de gamme envisagent d’ores et déjà de formuler des demandes de rééchelonnement de crédit, en attendant des jours meilleurs. Dans ce scénario, les banques, à défaut de réaliser les gages détenus, n’auront d’alternative que d’accepter les moratoires demandés par les promoteurs défaillants. Cette probabilité de défaut ne manquera pas, d’un côté d’obliger les banques à doter des provisions, et de l’autre d’impacter négativement la liquidité du marché et par ricochet oblige BAM à venir à la rescousse des banques " asséchées " par une injection soutenue de liquidités.

Le plus dur pour les banques restant à venir, le gouverneur de BAM a tout à fait raison de prendre la décision de porter le taux standard du ratio de solvabilité à 10% et éventuellement à 12% pour les établissements bancaires les plus exposés.

Nous comprenons parfaitement la position peu enthousiaste de quelques banques, car la décision la plus douloureuse pour un actionnaire c’est de mettre la main à la poche, d’autant quand cela se traduira par une petite entorse à son ROE ( Return On Equity ). Qu’à cela ne tienne, le Maroc continue d’offrir à l’actionnariat bancaire les meilleurs ROE- entre 20 à 26% ! ! plus avantageux que sous d’autres cieux. De plus, les actionnaires des banques peuvent toujours se rattraper, en améliorant leur "  Risk Adjusted Return On Capital "

( RAROC) ou retour sur fonds propres économiques, engagés en vertu de la réglementation régissant la solvabilité des banques.

Comment ? En ciblant la segmentation de la clientèle aux quotités les moins élevées, en terme de consommation de fonds propres, explorant davantage les facteurs d’atténuation de risque ( risk mitigants) et bordant leurs risques par des garanties qui offrent le meilleur " Global Recovery Rate " ou taux de récupération global.

Paradoxalement, la décision du Gouverneur de BAM est non seulement sage et pertinente ; elle est, aussi, salvatrice parce qu’elle incitera les banques à faire de la maîtrise des risques un moyen d’amélioration de leurs résultats finaux, ramènera les entreprises, par la force des choses, à plus de transparence financière et plus de mise à niveau.

En conclusion. Au delà de ses aspects techniques, le ratio de solvabilité, grâce à l’approche novatrice, la lecture multi- dimensionnelle et l’adaptation contextuelle qu’en avait faites le Gouverneur de la Banque Centrale, indiquera implicitement aux banques le cap visé par l’Etat Marocain, à savoir, privilégier le financement des très petites et moyennes entreprises, de même que les crédits à l’habitation, objectifs qui demeurent au centre des préoccupations nationales. Les banques y trouveront leurs comptes aussi, dès lors que ce sont là les segments et périmètres qui consomment le moins de fonds propres économiques, en raison des pondérations retenues.

Bon vent au timonier de la BAM, par cette adverse conjoncture 2009.

 

Mostafa Melgou



05/06/2009
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