zankana

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Pour une interprétation financière du redressement judiciaire!

Cette chronique aspire à inaugurer un débat d’idées, qui fait défaut aujourd’hui, sur la pertinence du redressement judiciaire. C’est un plaidoyer pour se détacher du purisme juridique. Un purisme susceptible de nuire à l’intérêt des créanciers, voire à l’intérêt général, d’autant lorsque l’entreprise admise en redressement présente, de par sa taille et les imbrications de son " business net ", un risque élevé d’entraînement en difficultés d’autres entreprises clientes ou fournisseuses.

Le code de commerce Marocain définit la cessation de paiement comme étant une situation de défaut de paiement à l’échéance des dettes exigibles. Et d’ajouter que le redressement judiciaire est prononcé dans le cas où la situation de l’entreprise n’est pas irrémédiablement compromise. Et s’il apparaît que la situation n’est pas remédiable, la liquidation judiciaire est entamée.

Néanmoins, une autre définition, empruntée cette fois au code de commerce Français, me semble plus ramassée dès lors qu’elle nous rapprochera davantage de la notion de cessation de paiement. Celle-ci correspond à la situation de tout débiteur qui est " dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible ". On le verra, cette définition puisée dans les données bilantielles de l’entreprise, donc tout à fait financière, nous épargnera tout quiproquo de signifiant ou de signifié. En effet, tous les financiers s’accordent pour définir l’actif disponible comme étant l’ensemble des actifs circulants, c’est à dire le réalisable à l’horizon de l’exercice en cours ( current assets ) et le disponible (quick assets). Corrélativement et par extension, l’on comprendrait par " actif disponible " toute valeur d’exploitation à même d’être convertie via le cycle d’exploitation (Asset conversion cycle) soit en liquidité courante ou en liquidité immédiate. C’est donc cet actif circulant qui crée la valeur ajoutée pour l’entreprise, par opposition à son actif immobilisé (fixed asset) qui, lui, représente son infrastructure ou son " frame work " ( terrain & construction +outil de production ..etc). L’actif immobilisé ou indisponible a par conséquent un caractère pérenne et n’est donc pas destiné à être revendu, pour être converti en flux financiers ou en " available cash ".

Après cette précision sémantique, nous savons que la notion de cessation de paiement renvoie en vertu des normes comptables et des règles prudentielles à la notion du déséquilibre financier. Mais, in fine elle renvoie à une insuffisance d’actif circulant et partant à une insuffisance de liquidité, empêchant l’entreprise de faire face à ses dettes exigibles dans les délais impartis. S’apparentant ainsi à un problème de liquidité, qui peut de surcroît être circonscrit dans le temps, la cessation de paiement ne doit pas mener systématiquement à l’inscription de l’entreprise en redressement judiciaire, sans l’assentiment de la banque prêteuse. Surtout lorsqu’elle celle-ci ne s’est pas encore exprimée sur la suite à donner ni n’a décidé la rupture des crédits à l’entreprise en difficulté. Il n’est pas inutile de rappeler ici une logique admise sous d’autres cieux et consacrée par des textes de loi et je cite " le débiteur qui établit que les réserves de crédit ou les moratoires dont il bénéficie de la part de ses créanciers lui permettent de faire face au passif exigible avec son actif disponible n’est pas en cessation des paiements " (sic CDCF).

A la lumière de cette logique qui découle du simple bon sens, il est fondé de dire, tant que ni les fournisseurs ni les banques ou tout autre créancier n’ont formulé l’intention d’introduire un débiteur en redressement judiciaire, le recours par l’obligé " himself " au redressement judiciaire paraît relever du vice rédhibitoire qui peut cacher des desseins malintentionnés. Bien entendu les concertations préalables avec les créanciers ne font pas perdre au débiteur le droit de recours au redressement judiciaire, au cas où celles-ci s'avéreraient infructueuses.

En droite ligne avec le chapitre du redressement judiciaire et de la cessation de paiement, considérée sous le prisme de la liquidité, il me paraît nécessaire d’adopter une approche consistant à donner à l’information financière sa portée économique en lieu et place de la démarche purement comptable bâtie sur des états financiers " tournés " fisc (tax driven).

Les problèmes de liquidité de l’entreprise peuvent trouver leurs origines dans plusieurs facteurs, liés principalement à sa gouvernance c’est à dire sa culture, son style de management et à sa gestion c’est à dire la compétence de ses hommes et leur professionnalisme. A titre d’exemple, un investissement surdimensionné, une mauvaise gestion du besoin en fonds de roulement (net working capital) avec comme corollaire une insuffisance de génération de cash flow, entre autres, peuvent être sources de problèmes de liquidité et partant de défaut de paiement. Faut-il le rappeler, nombre d’entreprises, notamment les PME ne doivent leur survie qu’à une perfusion financière en permanence grâce aux concours bancaires ? Et, pour peu que cette perfusion soit suspendue, ne serait-ce que sur une très courte période, moult entreprises se retrouveraient de plain pied dans la cessation de paiement. Seul le diagnostic financier " in depth " qui va au delà de l’analyse patrimoniale figée du bilan et des soldes intermédiaires de gestion (SIG) est de nature à débusquer pour les neutraliser les causes profondes d’une mauvaise gestion de l’ACC, à l’origine de l’assèchement de la liquidité de l’entreprise.

Et qui serait dans meilleure posture qu’un banquier pour se livrer à un tel "Ijtihad" financier (effort d’interprétation) ?

Avis aux experts !

                                                                              Mostafa Melgou



04/01/2010
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