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Loi de finances 2009 : déficit de 3% est-il tenable?

Loi de finances 2009 

le déficit budgétaire prévisionnel de 3% est-il tenable?

Nous entamerons bientôt le dernier trimestre de l’exercice 2009. Cette période devrait constituer l’occasion pour le ministère des finances de faire un point d’étape sur l’exécution de la loi de finances 2009. D’un côté sur l’avancement des projets qui y sont inscrits et de l’autre sur les enveloppes budgétaires prévisionnelles y afférentes. Pour enfin apprécier les écarts entre prévisions et réalisations. Les principales dispositions de la loi des finances 2009 portent sur " l’intensification de l’investissement public " prévu atteindre Mad 135 bln, de même que l’investissement direct de l’Etat escompté se situer à Mad 45 bln. Soit un accroissement de respectivement 18% et 25% par rapport à la loi de finances de l’année écoulée. L’autre pavé des dispositions a trait au " renforcement du pouvoir d’achat " en relevant les salaires des fonctionnaires, induisant une augmentation de la masse salariale du budget général de 9% avec Mad 75,5 bln, de même qu’un allégement de l’impôt en réduisant le taux marginal de 42 à 40%. Le " soutien à l’exportation " n’est pas en reste. Il consiste notamment en la création d’un fonds de Mad 500 mln, dont 250 mln au titre de l’exercice 2009.

Surprenant de constater que nos officiels communiquent beaucoup, lorsqu’il s’agit de présenter des prévisions, mais demeurent peu loquaces lorsque qu’il s’agit de faire le bilan de leurs réalisations. J’ai bien peur que ne s’installe chez nos gouvernants un habituel behaviouriste de toujours se projeter dans l’avenir, d’exceller dans la seule prospective- en fait une fuite en avant- en escamotant et taisant la rétrospective. Nous sommes dans le pays tous les futurismes. Il appartient à l’Argentier du Royaume de nous faire le point septembre 09 sur l’avancement de l’exécution de la LF 2009 , taux des réalisations versus prévisions avec niveau des déficits enregistrés . D’autant plus urgent que l’année en cours a été marquée par une récession globalisante et globalisée, dont le Maroc ne pouvait faire l’exception, nonobstant le discours officiel lénifiant .

De l’avis des observateurs, les recettes de l’Etat, notamment les recettes fiscales, tout impôt et taxe confondus, ont chuté en moyenne de 30%, à cause de la conjugaison de plusieurs facteurs : le recul de l’activité avec baisse de la demande ( tourisme, immobilier notamment); démantèlement douanier avec ses effets induits sur les taux de taxation ; réduction du taux marginal de 42 à 40% sur l’imposition salariale ; non imposition des salaires liés aux contrats de recrutement ANAPEC. En résumé, le budget 2009 table sur des recettes de Mad 180 bln pour Mad 200 bln de dépenses, avec l’espoir de contenir le déficit budgétaire à 3% du PIB, grâce notamment à la marge gagnée sur le cours budgétisé de 100 US$ le baril de pétrole, en comparaison avec le cours réel qui est, valeur aujourd’hui, de 75 US$.

Quant à moi, un déficit budgétaire de 3% me paraît relever plutôt de la gageure, compte tenu du contexte de crise internationale qui prévaut cette année. Crise dont il n’a, évidemment, pas été tenu compte dans l’élaboration de la loi de finances 2009, dès lors et si l’on en croirait l’optimisme affiché par les officiels qui, dans leurs déclarations, ne cessent de nier les effets de la récession internationale sur notre économie.

Qu’à cela ne tienne. La configuration de notre loi de finances n’offre pas beaucoup d’élasticité en termes d’items pour pouvoir faire les modulations nécessaires. Du côté recettes c’est à dire ressources, l’on retrouve la collecte des impôts et diverses taxes et TIC. Du côté dépenses, c’est à dire emplois, l’éventail n’est pas plus large : les émoluments des fonctionnaires, plus le service de la dette et enfin la troisième composante, le budget alloué aux investissements. Notre taux de croissance étant ce qu’il est, les recettes ne peuvent être augmentées que par un relèvement des taux des impôts et taxes et ou par davantage de privatisations. Mais la propension à jouer sur les taux demeure très faible, le taux d’imposition et de taxation au Maroc étant parmi les plus élevé dans le monde. De même que le produit des privatisations n’est pas intarissable. Il est par conséquent illusoire d’aspirer à réduire les déficits budgétaires par les produits, sauf à s’endetter davantage au risque d’aggraver le ratio dettes / PIB qui est déjà de l’ordre de 70%. L’alternative par défaut consisterait à comprimer les dépenses. Lesquelles? En guise de réponse, je procéderai par élimination, en reprenant les grandes masses des dépenses publiques. Peut-on réduire la masse salariale des fonctionnaires ? Non, car ce faisant compromettrait le dialogue social déjà mis à mal. Peut-on ne pas honorer la portion exigible d’une dette ? Non, car ce faisant ternirait l’image de marque de l’Etat avec le risque induit de réputation. Car le service de la dette, c’est une situation de fait à gérer, des soldes têtus qu’il faut rembourser dans les délais impartis. L’on ne peut donc ne pas honorer une dette, sauf à la re-échelonner au gré des créanciers, avec les majorations de retards que cela implique. Que restera–t-il comme solution devant le gouvernement pour réussir le pari d’un déficit budgétaire contenu à 3%. Autrement dit, sur quelles rubriques du budget le gouvernement opérera-t-il des coupes, pour rester conforme au déficit prévisionnel ? La réponse coule de source. Les chantiers projetés dans la loi de finances 2009 ne seraient ouverts et entamés qu’à moitié ou purement et simplement reportés aux calendes grecques. Il en serait le cas échéant ainsi de l’investissement public projeté de Mad 135 bln ; du rythme de réalisation des grands travaux de chemins de fer, ports et autoroutes ; du soutien à l’entreprise ; de l’affectation de l’enveloppe de Mad 12 bln aux services sociaux ; de la réforme de la justice en augmentant son budget de 22% pour renforcer ses ressources humaines. Pourquoi ? Ce n’est d’ailleurs pas sans raison que l’investissement et le développement humain demeurent toujours le parent pauvre des lois de finances même lorsque ont été élaborées par le ministre socialiste (F.Oualalou). Et pour cause, l’absence d’accountability conjugué à un seul souci gouvernemental- l’équilibre budgétaire- et tout déficit éventuel doit être cantonné à 3%. Le reste c’est à dire l’investissement public et son corollaire la croissance et la création d’emploi, point de hâte, le pays attendra. C’est possiblement vrai, car nous n’avons jamais vu un ministre des finances s’expliquer au terme d’une LF sur les écarts, surtout au niveau des grands chantiers prévisionnels, par rapport aux réalisations effectives. De même que nos honorables parlementaires, lorsqu’ils ne sont pas absents, ils ne sont motivés que par le vote de la loi de finances, début de l’exercice. Ils n’interpellent jamais un ministre des finances sur le suivi de l’exécution des projets inscrits dans un budget, à la fin de l’exercice.

Une loi de finance à l’élaboration n’est qu’un ensemble de prévisions aussi bien en terme de ressources que d’emplois. Ces prévisions si elles ne se traduisent pas en chantiers concrets, demeurent purement et simplement des effets d’annonce à l’ouverture de chaque session parlementaire.

 

Mostafa Melgou



16/09/2009
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