zankana

zankana

Les raisons tues d’une crise

Un certain optimisme est née à l’issue du sommet des G20 tenu à Londres et des résolutions qui y avaient été votées. Néanmoins, il demeure beaucoup de chemin à faire pour un regain de confiance dans les marchés financiers. Beaucoup d’observateurs ne croient pas qu’ insuffler US$ 1,1 tln dans l’économie mondiale soit suffisant de la faire sortir de la crise qui continue à la secouer.

Nous assistons aujourd’hui à une crise globalisée , en vertu du lien de cause à effet entre capitalisme supra- national et mondialisation. Un capitalisme impérial dont le porte étendard sont les USA, dont le PIB soit US$ 14 tln à eux seuls, équivaut au PIB des vingt cinq pays Européens réunis.

Les gardiens du temple du capitalisme pur et dur se refusent à dire les véritables raisons d’une crise, de peur que le temple ne s’effondre sur leurs têtes, tellement leur doctrine ultra-libérale est porteuse des germes de sa propre destruction. Ils admettent que la crise qui sévit actuellement est due à des dysfonctionnements du système financier international, sans remettre en cause le système lui-même. Ils estiment pouvoir remettre le même système en marche, en le replâtrant de correctifs d’ordre procédural telles les mesures drastiques de restrictions à imposer dorénavant aux institutions financières, en matière d’octroi de crédit, de risk weighted asset et de capacités d’endettement des emprunteurs. L’objectif recherché par ses mesures prudentielles demeure d’éviter que cette fracture financière ne se réédite dans le futur. Mais si on lit en filigrane, c’est à dire si l’on décrypte, l’on remarquera que le dernier sommet de G20 de Londres a reconnu voire consacré, sans le dire, la faillite du " laisser faire, laisser passer " d’Adam Smith et du diktat du marché. Ipso facto, la prophétie de Francis Fukoyama sur la " fin de l’histoire " devient caduque, parce que démentie de bout en bout par les faits. Faudrait-il le rappeler ? Avant Londres, le même G20 s’est réuni cinq mois plus tôt à Washington, en faisant les mêmes promesses d’apporter tout le soutien financier nécessaire pour remettre le marché financier international d’aplomb et éviter le Krach. Mais, hélas ce fut peine perdue dès lors que depuis, la situation ne cesse de se détériorer, faisant boule de neige qui ne cesse de grossir .

Car à quoi équivaudrait les recommandations des G20, sinon à un retour à plus d’Etat dans l’économie et les finances, par de l’" equity funding " , le rachat des banques en difficultés et plus de règles prudentielles dans la gestion des risques ? Ne sommes-nous pas, ainsi, dans un schéma aux antipodes de la doctrine libérale. Une nationalisation qui ne dit pas son nom.

Cela, c’est le constat du dépérissement d’un système, dont il est vain de vouloir réanimer en agissant sur les symptômes du mal et non pas sur ses causes profondes. Mauvais diagnostic, s’il en est.

Interrogeons-nous maintenant sur la genèse de ce mal. Nous procédons du postulat basique, qui demeure, néanmoins un principe sacro-saint de l’économie monétaire, qui voudrait qu’à chaque flux monétaire doive correspondre un flux de biens et de services.

Or que constatons-nous aujourd’hui, notamment aux USA et dans une moindre mesure en Europe ? Nous assistons à une recrudescence d’une monnaie scripturale créée et mise en circulation dans les places financières internationales et dans les banques. Une monnaie, plutôt une création monétaire qui n’a pas de contreparties réelles en terme de biens marchands tangibles. Les sub-prime ne sont que la conséquence d’une titrisation à outrance de créances, achetées et revendues pour les besoins de refinancement plusieurs fois sur le marché du " real estate " Américain. Nous nous retrouvons avec des deals financiers qui dépassent de mille fois sinon plus, la valeur du bien tangible auquel ils se rapportent. Nous sommes en plein dans une économie virtuelle en dérapage, car représentant aujourd’hui 20% de l’économie planétaire et 40% du Produit Net Bancaire (PNB) des banques Américaines. Ce n’est donc pas fortuit que la crise ait pris naissance aux USA, qui sont en train de l’exporter vers le reste du monde.

Nous savons tous que la monnaie n’a qu’une valeur d’échange, qui trouve sa contrepartie dans le flux des biens qui, eux ont une valeur d’usage. Or que constatons-nous aujourd’hui ? une monnaie qui a de plus en plus tendance à être traitée comme étant une valeur d’usage, sur le places boursières et sur les marchés des matières premières tels le marché du pétrole, des céréales, du café, du cuivre et autres cacao…etc. Le cas le plus flagrant est celui du comportement inintelligible du prix du baril du brut, qui n’est pas la résultante d’un quelconque déséquilibre offre/ demande du pétrole, dans un sens comme dans l’autre. Au titre de l’année 2008 l’offre moyenne en or noir ( quelques 57 mln de baril/j) couvrait en totalité la demande qui est du même ordre. Or et paradoxalement le prix avait continué à augmenter pour atteindre le pic de US $147 le baril vers juillet 2008. Alors, où réside le problème ? L’explication trouve son origine dans les transactions " forward " traitées sur le marché financier du pétrole et chiffrées à plusieurs centaines de millions de Dollars, matérialisées par des titres de créances (Commercial Notes) , adossé à un pétrole à " naître ", avec tout ce que cela comporte comme création de flux financiers purement scripturaux, qui, la spéculation aidant, se multiplient à foison par le fait du multiplicateur, à cause du Web Net qui survole les frontières et dématérialise les marchés.

Il est clair que c’est cette altération du rôle de la monnaie, convertie en fétichisme marchand et c’est ce fondamentalisme de l’économie du marché, qui sont à l’origine des maux des économies contemporaines.

En attendant que les Cheikhs du Golf passent à la caisse, moyennant et monnayant la sécurité de leur trône et de leur émirat, Le Fed( Federal Reserve ) n’a d’autres alternatives que le recours à la planche à billets ( stone money ), pour injections dans un système financier aux abois. A noter ici que les USA sont les champions de la planche à billet, dès lors que le Dollar Américain est adossé à lui même et ne tire sa force d’aucune autre devise, étant la principale monnaie de réserves et de compte de par le monde. Ce n’est pas une anecdote, le Fed peut donner un cours libératoire à 100 mille dollars pour un coût en facteur de 10 cents, qui représente le coût d’impression du papier ( printing money ).

Nous sommes en face d’un capitalisme, sans Capital, une sorte de lumpen capitalisme.

En résumé, nous rappelons que le monde est entrain de traverser une crise financière structurelle encore plus douloureuse que celle de 1929. Pire encore, cette crise financière est en train de tourner en crise généralisée et globalisée, sapant les économies des pays développés aussi bien que ceux en développement. Les USA sont malades- ils traînent une dette extérieure de US$ 11 tln (dont 4 envers la seule Chine) avec un déficit budgétaire que personne ne peut prétendre connaître le chiffre exact.

Le système bancaire marocain a été sauvé non pas tellement par l’envergure de ses performances ou sa bonne tenue- soulignons au passage que le système bancaire Marocain traîne des provisions pour créances en souffrance représentant 9,5% des crédits à l’économie. Il l’a été parce que il accuse encore beaucoup de retard sur la titrisation ( security bonds), sur les produits dérivés et les commodities. Ne dit-on pas que à quelque chose malheur est bon ?

Mostafa Melgou

 



14/04/2009
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 25 autres membres