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Les prémices d’une crise cardiaque

Marx a fait deux prophéties. L’une avait trait à l’espace géographique. Elle s’était avérée fausse, car la Révolution eut lieu en URSS et non pas en Grande Bretagne. La deuxième se rapportait au dépérissement de l’Etat avec l’avènement du communisme- stade suprême du socialisme. Cette dernière prophétie est en train de prendre corps devant nos yeux, avec le spectre de la globalisation. Bien entendu l’argument avancé par Marx pour construire son échafaudage du dépérissement de l’Etat n’est pas le même que celui qui sous-tend aujourd’hui la Globalisation, à savoir la dictature du capital.

Le désengagement de l’Etat ou plus exactement sa démission via les privatisations et les régimes de concessions, traduit un passage de l’Etat providence à l’Etat métayer où les notions de souveraineté, d’identité nationale et de pouvoir politique territorial ne seraient plus que des illusions ou des souvenirs d’une époque.

Avec cette globalisation l’Etat avec tout son arsenal juridico- militaro- politique ne sera plus qu’un métayer et au meilleur des cas un vassal au service du suzerain qui détient le capital c’est à dire les multinationales. On aura, ainsi, déterré des concepts tels " centres " et " périphéries " qu’on avait cru révolus.

L’on s’est félicité de l’affranchissement du totalitarisme idéologique à la suite de l’effritement de l’Union soviétique et de la chute du mûr de Berlin, mais le monde est en train de s’enliser, sans y prendre garde, dans un totalitarisme du capital bien plus pernicieux et plus avilissant, formatant les pays en marchés, les Etats en courtiers et les citoyens en consommateurs et usagers.

Pour les pays de la périphérie qui auront totalement adhéré à la globalisation sans s’y être bien préparés, ils auront à souffrir d’une double aliénation- l’une exogène liée à leur situation de pays de la " périphérie ", l’autre endogène lié au statut de " métayer " au garde à vous des Etats " suzerains ". En fait, ils représentent et veillent localement, en commissionnaires aux intérêts du Centre/ suzerain.

A notre grand dam, nos partis dont le pullulement ne s’est pas encore arrêté, continuent à nous écorcher le tympan par de gueux discours politiciens, sans songer un instant au risque que le Maroc pourrait faire l’objet d’une " Opération Publique d’Achat " (OPA).

La libéralisation forcenée de son économie, appuyée de l’absence d’" accountability " des décideurs politiques, expose le Maroc à la " crise cardiaque ", dans un contexte de récession qui continue de frapper les économies de " tutelle " du Maroc. Nous n’en voudrons pour preuve que la tendance actuelle de quelques indicateurs macro-économiques, les plus significatifs: Le déficit commercial s’est aggravé de 41%, soit € 12,4 milliards (23% du PIB) ; le taux de couverture se rapetisse pour descendre en dessous de la barre des 50% ; les transferts des RME- deuxième source de devises pour le pays- ne sont plus que de Mad 53 milliards en 2008 (versus Mad 55 milliards en 2007), après avoir suivi un up-trend depuis 2004. Les recettes du tourisme étranger- première source de devises du Maroc- se sont infléchies à Mad 55,4 milliards en 2008, versus Mad 58,7 milliards en 2007, après avoir poursuivi un trend haussier depuis 2004. Même les IDE et prêts étrangers, qui s’apparentent de plus en plus à des facteurs d’atténuation des déficits de la balance commerciale, et partant permettent de rétablir les équilibres de la balance des paiements, ne sont plus que de MAD 32,5 milliards en 2008, versus Mad 41,7 milliards en 2007. Avec ces infléchissements de nos sources de devises, tout porte à croire que nos réserves nettes de devises ne permettront plus de couvrir que 5 à 6 mois d’importations à l’horizon 2009. Le paradoxe ou l’ironie de sort voudraient que cette décélération des recettes en devises, soit exacerbée par une accélération de sorties, en Euro de dividendes revenant aux maisons- mères des filiales Marocaines. C’est le cas notamment de l’opérateur historique, du raffineur historique, des cimentiers, des banques et autres Altadis, JLEC sans parler des Lydec, Veolia, Redal et autres gestions déléguées de l’eau, de l’électricité, des ordures ménagères et de la voirie …etc . Le plus grave, c’est que ces entreprises réalisent leur chiffres d’affaires localement, c’est à dire en Dirhams, ce qui n’est pas de nature à permettre la reconstitution et partant la compensation des devises sorties sous forme de dividendes. Si cette tendance persiste , le Maroc risque d’être confronté à une pénurie de devises, avec son corollaire le risque de non transfert. Autant de clignotants qui ne présagent pas d’un avenir radieux pour notre pays. Lorsque la crise n’est pas niée par les décideurs politiques, les mesures que ces derniers disent vouloir entreprendre pour booster les transferts des RME ou les recettes du tourisme étrangers ont plutôt un effet d’annonces. En outre, ce genre de déclarations dénote d’un certain cynisme voire du mépris, dès lors que les pays émetteurs des transferts et des recettes sont en train de fermer des usines et de supprimer des emplois, à cause de leurs propres crises.

Il me paraît nécessaire, aujourd’hui, de revoir des choix qui ont placé le Maroc dans une situation de dépendance économique totale vis a vis de l’étranger, avec, en prime, une concentration des risques économiques et financiers sur la France. Sachez, par exemple que le Maroc représente pour la France le dixième excédent commercial bilatéral, avec € 834 millions ( Mad 9 milliards), qui sont " recyclés " et réinjectés au Maroc sous forme d’IDE ou de prêts. La France détient la première place avec € 1,3 milliards ( Mad 14,4 milliards) d’IDE au Maroc, soit 40% du total. Et ce n’est qu’un exemple, entre autres, qui met en exergue l’enlisement de notre économie dans le cercle vicieux de la dépendance. Tout un pays, le nôtre, devient purement et simplement un centre de profit et de plus-value pour le capital étranger. Ce dernier, pour faire davantage de profit, n’hésite pas à maintenir notre économie en survie mais, en même temps en laisse, par voie de " perfusions " financières dosées. Il devient urgent de soustraire notre pays à cette aliénation, en commençant par l’adoption d’une politique d’austérité, applicable à tout le monde, dans l’attente de repenser notre modèle économique actuel, qui n’a crée ni richesse nationale, ni n’a réduit la pauvreté. On le constate aujourd’hui. Tous les paramètres macro-économiques se dégradent en affichant une tendance baissière : dérapage du déficit commercial, infléchissement des principales sources de devises avec pour corollaire une détérioration de nos réserves nettes de change. Sur le volet monétaire non plus, la situation n’est pas au beau fixe, la banque centrale ne cessant, à coups d’avance à 7 jours qui se chiffrent en dizaine de milliards, de renflouer un marché de plus en plus aride en liquidité. Néanmoins, le gouvernement ne montre pas de signe de réactivité à cette situation, ni ne semble disposer d’un plan " B ". Tout ce que l’on a pu voir c’est une révision à la baisse des prévisions, avec report de deadline au calendes grecques, sans autre forme d’"accoutability", chaque ministre accusant son prédécesseur d’avoir péché par optimisme et s’arrogeant lui-même des échéances au delà de l’expiration prévue de son mandat, pour ne pas rendre des comptes ( les échéances 2010 a été poussées à 2012 ; celles de 2012 à 2016, pourquoi pas les 2025 du " Maroc possible " tant que nous y sommes?

Le package d’incentives à destination de nos MRE ou les assises du tourisme peuvent être de bonnes actions commerciales en période de croissance, mais demeurent vaines en période de récession globalisée, sur laquelle le Maroc n’a pas la " main ".

Le Maroc s’est contenté à ce jour de replâtrage et de badigeonnage économico-politique en guise de solutions, pour parer au plus pressé. Or, les problèmes économiques du Maroc sont des problèmes de fond, qui ont pour noms, l’extraversion et la dépendance économiques; qui ont pour nom le diktat du capital et du marché ; qui ont pour nom la fusion- absorption de l’Etat et sa dissolution dans le pouvoir. Pour desserrer l’étau de son arrimage servile, le Maroc a besoin de réformes économiques de structure, pour l’implémentation d’une économie intégrée et auto- centrée. Ce ne peut se faire sans le pré-requis de rétablir l’Etat dans ses droits et pouvoirs- exécutif, législatif et judiciaire. Un Etat impersonnel et général ; un Etat de tous, mais de personne en particulier. N’est-ce pas là la raison d’être de l’Etat?

Mostafa Melgou

Juin 2009



29/06/2009
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