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Les leviers de la citoyenneté

" Citoyenneté " du grec " Civitas " est devenu, entre autres mots magiques, comme une sorte de panacée à tous les maux de la société. L’usage en est très fréquent dans le discours des politiques, sans que ces derniers ne prennent la peine d’en expliquer la teneur ou les implications. Des mots, rien que des mots hissés au rang de recettes magiques.

Le savait-on ? La citoyenneté ( Al Mowatana) est l’aboutissement d’une conscience citoyenne (Al Mawtana) au terme d’un processus du même qualificatif ( Al Mowatania).

Prendre conscience de sa citoyenneté revient à faire un effort d’abord de réflexion et ensuite de construction idéelle sur la finalité de la citoyenneté , à l’appui d’un référentiel de valeurs, qui en constituera le socle. Après cette étape de représentation intellectuelle du concept de la citoyenneté, interviendra la phase du processus de sa mise en place, qui obéit à une dynamique politique, économique et sociale.

La citoyenneté est le rapport de l’individu à l’Etat dans lequel il vit et auquel il porte un loyalisme pratique et émotionnel. En contrepartie, l’Etat lui garantit le respect de sa dignité d’homme et la préservation de ses droits fondamentaux, que sont le droit au travail appuyé de l’égalité des chances, la liberté du culte , de convictions politiques, le droit de participer à la prise de décisions politiques à travers des élections libres.

Quant au loyalisme de la personne à son Etat, il s’exprime à travers l’accomplissement du devoir de s’acquitter de ses impôts, de défendre les frontières de son pays.

En terme simple, la citoyenneté c’est l’appartenance à un espace géographique d’un Etat en portant sa nationalité et être soumis à ses lois. C’est un échafaudage de critères qui organise la relation de l’individu à son Etat, de façon telle qu’elle crée chez lui un sentiment de sécurité et d’appartenance à une patrie et ce dans le for intérieur de l’individu. En clair, la citoyenneté ne décrit pas seulement un espace géographique et un environnement social, mais aussi un état psychologique chez le citoyen.

Jürgen Habermas a forgé un nouveau concept- la citoyenneté démocratique ou démocratie délibérative basée sur la concertation et le dialogue. Elle en découle des droits et libertés dont doivent bénéficier tous les citoyens d’un Etat , sans discrimination aucune ayant trait à la race, la couleur ou la langue. Il s’agit de droits de plusieurs ordres, civils, économiques et politiques. Les droits civils consistent en droit de l’individu à la vie en toute liberté tant que cette liberté n’est pas contraire à la loi et à la liberté des autres. C’est le droit de l’individu à être protégé par la loi, de même que la liberté du culte, d’opinion et d’expression conformément à la loi. Les droits d’ordre économique, social et culturel : Droit au travail dans des conditions équitables dont la liberté syndicale et le droit de grève. Droit à un minimum de bien-être , à la couverture sociale et médicale, droit à l’habitat salubre et un minimum de service public. Les droits politiques c’est à dire le droit au vote et à l’élection, droit d’adhérer aux partis politiques et de contribuer à influencer , droit d’accès à l’information, droit de briguer des postes dans la fonction publique

On reconnaît la citoyenneté aux pré-requis suivants qui garantissent son principe et sa mise en œuvre, à travers l’affranchissement de l’Etat de la dépendance du pouvoir personnel du gouvernant, en partant du principe que le peuple est la source du pouvoir, en vertu d’une constitution démocratique avec des instances à même d’appliquer ses dispositions dans la pratique.

Il existe trois modes psychologiques qui impactent le niveau de citoyenneté et de loyalisme des individus, qui varie en fonction de la maturité de chaque société.

  • Le conformisme ( Al Inssiaâ): Il prédomine dans les pays à régime autocratique avec un pouvoir sans partage. Cette citoyenneté coercitive (conformiste) procure une solidarité illusoire, dès lors qu’elle est basée sur une relation verticale entre puissants et faibles et se disloque dès que cette relation est entamée.
  • L’identification (At tamahi): l’Etat despote convertit les établissements sociaux en mutualités ( groupes et associations qui s’expriment solidairement par le biais de chefs reconnus par l’Etat). Dans la logique de l’Etat autoritaire, la fonction essentielle de la citoyenneté réside dans la distribution de privilèges et passe-droits aux citoyens. L’identification provoque une contradiction entre les liens qu’ont les individus à leur groupe ethnique et religieux et leur loyalisme à l’Etat- nation. De même qu’elle provoque des clivages entre l’individu en tant que membre d’une confrérie, d’une ethnie ou d’une religion, au lieu de se sentir citoyen d’un Etat La citoyenneté n’est plus une valeur commune.
  • L’intériorisation (L’ Istibtane) : Elle consiste à satisfaire un besoin intérieur de n’accomplir que l’acte licite. Il s’agit d’une relation horizontale entre individus et entraîne une solidarité agissante et réelle. Ce qui lui assure une certaine continuité que ne procure pas la coercition et l’identification. L’intériorisation n’est possible que dans l’environnement d’un discours crédible à même de traduire dans les faits toute velléité à l’acte licite. Cette intériorisation est susceptible de transformer les critères sociaux d’impact en force psychologique bien ancrée ; libère la créativité ; forge le sentiment humaniste et l’amour du prochain.

Sans débat publique, entre élites Marocaines, sur la conscience citoyenne, ni sur le processus qui la sous-tend pour en donner corps, la citoyenneté, en tant que finalité demeure une illusion.

L’ invoquer tout azimut et en faire feu de tous bois, relève purement et simplement de la logomachie.

                                                                                      Mostafa Melgou



01/09/2009
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