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Les créances en souffrance : risque de crédit ou risque opérationnel ?

 

Qu’est-ce qu’une créance en souffrance ? c’est la portion des crédits " malades " du compte " créances sur la clientèle " que détient une banque à l’actif de son bilan. Ces créances en souffrance peuvent dégénérer soit en perte partielle ou totale, en fonction de l’état de la souffrance- pré douteux, douteux ou compromis. Indéniablement, la propension des créances en souffrance enregistrées par la profession bancaire est plutôt à la baisse et ce depuis 2004, année où le niveau des crédits malades se situait à plus ou moins Mad 40 bln, soit 10% des crédits distribués. En effet, le volume passe de Mad 33,3 bln en 2007 , à Mad 29,8 bln à fin Juin 2009, respectivement 8,75% et 6,05% des crédits distribués. L’augmentation en valeur absolue de quelques Mad 0,7 bln des créances en souffrances en juin 09 par rapport à mai 09 est à relativiser dès lors que les crédits à l’économie ont crû de Mad 13 bln entre mai & juin. En terme de rapport, la tendance est plutôt à l’amélioration, le ratio créances en souffrance versus crédits à l’économie passant de 6,07% en mai 09 à 6,05% juin 09.

Néanmoins un taux moyen des créances en souffrance à 6% demeure encore élevé par rapport aux normes standards conventionnellement admises. De plus, l’on constate un essoufflement en terme de récupération à partir de mai dernier où il n’a été recouvré par la profession, en net que Mad 339 mln. C’est dire que le " back log " de créances en souffrance est de plus en plus difficile à récupérer. Pire si ces encours pendants s’avéraient cacher des créances irrémédiablement compromises, donc irrécouvrables. Auquel cas se poserait le problème de niveau de couverture par les provisions et dans quelle proportion, avec tout ce que cela comporte comme dotations additionnelles et " plombage " des P&L des banques peu orthodoxes en terme de provisionnement des créances en souffrance?

Ceci étant, à quoi pourrait-on assimiler les créances en souffrance? Relèveraient-elles d’un risque de crédit ou s’apparenteraient-elles plutôt à un risque opérationnel ? Le risque de crédit est un risque lié à un défaut de la contrepartie d’honorer ou soit partiellement ou soit totalement- risque irréversible- ses engagements envers la banque créancière. Ce risque a un caractère exogène, dès lors qu’il émane de tiers, c'est-à-dire de la contrepartie en situation de défaut. En revanche le risque opérationnel est un risque qui découle de l’intérieur de l’institution bancaire elle-même, tant il est lié aux dysfonctionnements éventuels de son système d’organisation générale ( MIS, qualité des audits, gestion des risques …etc) d’une part et des attitudes éventuellement fautives de son personnel, attitudes pouvant se traduire par des actes de malversation ou de corruption , d’autre part.

A première vue, une créance en souffrance peut paraître comme étant un risque de crédit, c'est-à-dire un risque de défaut d’une contrepartie. Mais ce constat fait l’effet de l’arbre qui cache la forêt . Il ne résiste pas à l’analyse des causes sous-jacentes à la survenance du défaut. D’autant plus vrai lorsque le niveau des créances en souffrance dépasse les normes inscrites dans le cours normal de l’activité bancaire appelé communément risque du métier.

La règle voudrait qu’à chaque demande de crédit corresponde un dossier du même nom en bonne et due forme. Partant du postulat qu’un crédit se mérite, il incombe au banquier de juger de ce mérite sur la base de données tangibles quantitatives et qualitatives, avec à l’appui des informations financières probantes, étayées le cas échéant par une documentation comptable exhaustive ou tout autre " loan documentation " de qualité. L’objectif de l’analyse d’un crédit est de parvenir à un diagnostic aussi juste que possible, en repérant aussi bien les risques de défaut latents ou avérés, car un risque identifié est un risque maîtrisé. D’ailleurs, les garanties réelles ou personnelles sont conçues pour atténuer le risque de défaut, lorsque le principal obligé (l’emprunteur) n’est pas garant intrinsèquement d’une bonne sortie du crédit demandé. Lorsque le chargé de relation ayant instruit un dossier de crédit fait table rase de tous ces pré- requis et parfois passe outre les consignes du SMIG d’informations nécessaires pour qu’un dossier soit bancable, ne serait-il pas, ainsi, dans le schéma du crédit fautif, voire de l’octroi abusif de crédit ? Auquel cas, ne serait-il de plain pied dans le risque opérationnel, ou soit par complaisance " monnayée " ou soit par incompétence ? Cet exemple illustre bien le risque opérationnel lié à l’homme banquier et à ses agissements.

Il est un autre risque non moins opérationnel concernant les créances en souffrance. Il est cette fois lié à l’organisation. C’est le cas notamment de structure bancaire où il n’y a pas de séparation entre instances décisionnaires ( risk management ) et instances de contrôle et de suivi ( risk control). Parfois, un risque prenable au départ c’est à dire présentant tous les ingrédients d’un crédit sain au moment de l’instruction, peut tourner en créance en souffrance après sa mise en place pour raisons de non respect éventuel des termes et conditions d’octroi. C’est le cas aussi de structure bancaire où la politique du double regard n’est pas de mise. C’est dire l’urgence, pour les banques qui n’y sont pas encore, de l’implémentation du pilier de la " surveillance prudentielle " conformément au dispositif Mc Donough.

En conclusion, nonobstant leur expression en terme de risque de contrepartie, les créances en souffrance demeurent par naissance et essence des risques opérationnels.

Je livre à la réflexion, la pertinence de corréler le calcul de la quotité requise en terme de consommation de fonds propres lié au risque opérationnel, au niveau respectif des créances en souffrance affiché par chaque banque. Une discrimination positive en faveur des banques au personnel le plus vertueux.

                                                                                 Mostafa Melgou

 



26/08/2009
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