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Le PAM, parti administratif fonctionnel?

L’émergence du Parti de l’Authenticité et de la Modernité (PAM) interpelle l’analyste politique, quant à l’existence dans les faits ou non d’un parti de l’Administration. Le PAM –dernier né des partis Marocains août 2008 - crée au départ sous forme d’un Mouvement Pour tous les Démocrates (MPD), s’impose aujourd’hui et en si peu de temps, dans l’échiquier politique en tant que force avec laquelle il faut compter. En effet, c’est un parti qui dispose de plus de 40 députés à la première chambre et d’autant de conseillers dans la deuxième. Ayant décidé de se retirer de la majorité parlementaire, il a mis le gouvernement à mal, en l’exposant au risque d’être mis en minorité. De plus, le PAM n’a pas lésiné sur les moyens durant la campagne pour les communales en cours, qu’il a entamée avec beaucoup d’agressivité communicationnelle tout en parvenant à la couverture, en terme de candidats, la totalité des sièges à pourvoir, à travers tout le territoire national, devant des partis historiques tels l’Istiqlal ou l’USFP ( Union Socialiste des Forces Populaires) . Il est fort probable que le PAM parvienne à se tailler une position d’avant-garde à l’issue du scrutin du 12 juin prochain, compte tenu du plein qu’il a fait en terme de couverture, des moyens financiers et de l’actif relationnel dont il dispose, de la diversification de ses bases militantes, de l’image positive qu’il renvoie, peut-être malgré lui, comme étant un parti béni par sa Majesté le Roi.

L’ascension fulgurante de ce parti peut réveiller, à tort ou à raison, les réminiscences d’une époque que l’on croyait révolue, celle des partis dits " administratifs " ou " cocote minutes ". Faisons un peu de rétrospective. Au lendemain de l’indépendance et juste avant les élections législatives de 1963, naquit un parti sous la houlette de feu Maître Ahmed Reda Guédira et d’autres personnalités toutes proches de Feu le Roi Hassan II . Ce parti portait le nom de Front pour la Défense des Institutions Constitutionnelles ( FDIC) . De par son appellation générique, l’on lisait et comprenait la mission assignée à ce parti. Elle consistait à fédérer autour des valeurs de la Royauté et contrecarrer les courants politiques internes qui s’inspiraient des velléités tendancielles de l’époque, le Nassérisme et le Bâathisme. Faudrait-il rappeler ici la scission de l’Istiqlal survenu en 1959, sur fond de divergences entre " conservateurs " loyalistes d’un côté et " progressistes " réformistes de l’autre ? Les premiers étaient restés dans le giron de l’Istiqlal sous le commandement du Zaïm Allal El Fassi, les derniers avaient crée leur propre parti, l’Union Nationale de Forces Populaires ( UNFP) sous le leadership de Mehdi Ben Barka.

Le Maroc, en tant qu’Etat, avait résisté vaille que vaille à la contagion " révolutionnaire " qui se répandait dans le monde Arabe de l’époque- la décennie 50-60- qui était divisé entre camp des " progressistes " d’un côté et celui des " réactionnaires " de l’autre. Cependant, Le Maroc avait été épargné grâce à l’habileté de son Roi et surtout grâce au coup fatal qui a été porté par la guerre des 6 jours ( Juin 1967) aux régimes dits " progressistes ", en l’occurrence ceux de l’Egypte et de la Syrie, dont les armées avaient essuyé une cuisante et humiliante défaite devant l’armée Israélienne. Et pour cause, commença la débandade de l’idéologie d’un Nasser ou d’un Hafez Al Assad, de même que se déclara la faillite de leur projet. Le Maroc et son Roi ne pouvaient que se réjouir de l’effondrement de spectres menaçants. La conséquence coule de source. La mission pour laquelle a été crée le FDIC étant devenue caduque, le Front disparut pour céder la place à une autre variante de partis dits " administratifs ", dans le seul objectif, cette fois, de dépolitiser la société Marocaine. Feu Hassan II ayant été devenu le principal initiateur et animateur de la vie politique, apparut au milieu des années 1970, le phénomène des " Sans Appartenance Politique " (SAP). Organisés sous forme d’un mouvement des indépendants, les SAP, encouragés et soutenus caracolèrent les voix dans les urnes et parvinrent à décrocher, haut la main et comme par enchantement, la majorité numérique dans le parlement de 1977. Ce sont ces mêmes indépendants qui allaient dans la foulée donner naissance à un parti, le Rassemblement National des Indépendants (RNI), dont le président n’était autre que le Premier ministre de l’époque Maître Ahmed Osman. Le même scénario avait été réédité avec l’avènement de feu Maître Mâati Bouabid, à la tête du gouvernement en 1983. Un parti ad hoc avait été crée , en l’occurrence l’Union Constitutionnelle (UC), qui, lui aussi, avait détenu le haut du pavé dans les élections parlementaires des années 1980, pour devenir aussi, par magie, le parti majoritaire numériquement au Parlement.

Mais depuis lors, le Maroc inaugura une nouvelle ère dans le re-profilage des élections, avec la montée en puissance de Feu Driss Basri, le super ministre d’Etat à l’Intérieur. C’était le début de l’ère du façonnage assisté par ordinateur des élections et le découpage " par objectifs " des circonscriptions territoriales de vote. Outre l’atomisation forcée, car actionnée par " remote control ", du champ partisan, l’Intérieur avait autorisée, pour plus de brouille, la mouvance Islamiste légaliste à se constituer en parti. Résultat : plus aucun parti ne pouvait revendiquer d’être la seule force " vive " de la Nation. L’on adopta une sorte de politique de balancier électoral, valable même de nos jours, avec pour objectif qu’aucune coalition partisane, objectivement et raisonnablement possible, ne puisse dépasser le score du tiers des résultats des différents scrutins. Le Ministère de l’Intérieur s’arrange toujours pour " truffer " le parlement d’un tiers de députés, les siens, élus soit " Sans Appartenance Politique " ( SAP) ou soit sous la bannière de partis politiques redevables de leur existence à l’Intérieur. Dès lors l’Administration territoriale n’a plus besoin d’un parti fonctionnel identifié, comme par le passé. En lieu et place, le témoin a été cédé à des parlementaires du type "objets volants non identifiés" (OVNI), une constellation de petits partis électoralistes, qui font de la députation un " business ". C’est cet ensemble diffus et hétérogène de notabilités, de partis dont on apprend l’existence seulement aux échéances électorales, qui constitue aujourd’hui le parti administratif fonctionnel, ou parti " par objectifs " administratifs. L’objectif fondamental demeure que le Ministère garde la mainmise sur le score des élections et partant sur l’instance parlementaire et in fine sur la configuration gouvernementale souhaitée.

Si le parti unique à soubassement et fondements idéologiques est bien connu et se reconnaît comme tel - exemple des partis communistes de l’ancien bloc communiste ou celui des partis fasciste ou Nazi - le parti administratif fonctionnel demeure occulte, insaisissable. Et, parce que justement il n’est pas porteur d’idéologie, il s’adapte rapidement aux mutations, transmutera sans ambages au gré des conjonctures et des objectifs recherchés, en défenseur des institutions ( FDIC) contre les présumés Blanquistes de l’époque, ou en défenseur de la majorité silencieuse qui ne se retrouve dans aucun parti idéologique , ou encore en défenseur de la Constitution telle qu’elle est, contre tous ceux qui appellent à la réforme constitutionnelle et au rééquilibrage des pouvoirs.

Espérons que le PAM ne soit pas la nième version de partis fonctionnels ou " par objectifs ", qui ont émaillé le paysage politique Marocain durant un cinquantenaire. Là réside la véritable problématique de l’action politique dans notre pays.

Les résultats du scrutin du 12 juin prochain nous le diront.

Mostafa Melgou

Summer 2009



24/06/2009
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