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L’OMC: le takeover des multinationales.

Etat des lieux. Il existe aujourd’hui un top cent firmes transnationales qui contrôlent 20% des actifs financiers mondiaux. Les plus puissantes 51 institutions financières sont des sociétés (private equity), versus 49 détenues par les Etats. Les revenus sur les ventes de l’Américain Wal mart, à titre d’exemple, dépassent les revenus de la plupart des pays de l’Europe centrale et de l’Est y compris Pologne, Ukraine, Hongrie, Slovaquie, Roumanie..etc.

Devra-t-on rappeler, sur le même registre, la fusion, au début de ce millénaire, du géant de la communication Vodafone avec Mannesmann, ou celle du géant des produits pharmaceutiques Smith Kline Beecham avec Glaxo Welcome ? De même, le nombre des fusions absorptions, ces deux dernières années, a frôlé les dix mille opérations, soit le double du nombre enregistré une décennie auparavant. Surtout que chaque nouvelle fusion est plus importante que celle qui la précède et confère à la nouvelle entité, née de la fusion, un pouvoir encore plus fort et plus envahissant. Les multinationales ont dépassé aujourd’hui la taille critique pour se métamorphoser, de plus en plus, en " Behemoth " ( monstre mythique). Ce gigantisme (behemothisme) prend corps au su et au vu de gouvernements, autant éberlués qu’impuissants, ne sachant que faire devant cet élan pantagruélique des multinationales. Ainsi, tout ce que nous consommons et utilisons dépend du bon vouloir de ces multinationales, qui gardent la haute main soit pour nous nourrir ou nous affamer. Les mains des gouvernements elles, elles sont ligotées dès lors que ce sont ces multinationales qui leurs fixent les règles du jeu, les confinant dans le rôle d’arbitres qui veillent au respect de lignes de conduite règles qu’ils n’ont pas choisies. Les Etats du G8 qui avaient combattu d’antan pour conquérir, coloniser des territoires et asservir les peuples, se livrent aujourd’hui à des luttes sans merci, pour s’accaparer et monopoliser les marchés. Dans les pays de la périphérie, qui avaient lutté d’antan pour se libérer du joug du colonialisme, se démènent à n’importe quel prix pour accueillir à bras-le-corps le même colonisateur dans l’espoir de drainer ses IDE. Ils lui préparent infrastructure, lui facilitent implémentation, lui prodiguent avantages fiscaux et lui garantissent force de travail bon marché.

Le nouvel ordre mondial avec à la clé la globalization impose à tous les pays, riches et pauvres, ce schéma pervers dont il est difficile de sortir de l’enclave. De nos jours, les conflits d’intérêts économiques se sont substitués aux affrontements d’ordre idéologique. Ils sous-tendent et ravivent les tensions politiques internationales. Qu’est ce qui explique et justifie toutes ces guerres aujourd’hui? Pourquoi et pour qui les Etats guerroient-ils les uns les autres ? Serait-ce dans l’intérêt des nations ou dans celui des multinationales ? Beaucoup de ces multinationales est devenu plus influent économiquement et politiquement dans le nouvel ordre mondial que bon nombre d’Etats- Nations. Et lorsqu’il y a conflit d’intérêt entre Etat Nation et multinationale, le rapport de force joue toujours à la faveur des multinationales. Et ce déséquilibre de rapport n’est plus clair et tranché qu’au sein des instances de l’OMC, où se prennent des décisions stratégiques transnationales au nom du " free trade ". Décisions qui transcendent la territorialité des Etats- Nations et limitent par ricochet leur souveraineté et leurs possibilités à entreprendre des actions politiques et économiques au mieux des intérêts de leurs peuples. Quand bien même sont rares les cas où ces Etats périphériques se font sérieusement des soucis pour protéger l’intérêt général de la nation.

L’exemple le plus révélateur, qui illustre on ne peut plus clair ce " takeover " ou pouvoir usurpateur des multinationales, fut lorsque l’Union Européenne avait décidé de fixer un quota inférieur à 10% aux importations de bananes de la multinationale Américaine Chiquita. L’objectif pour l’UE était de protéger les petits producteurs de bananes dans les ex-colonies britanniques et Françaises, dont les économies reposent exclusivement sur l’exportation des bananes. La réaction de Chiquita ne s’est pas fait attendre puisqu’elle a saisi le US trade dept , arguant que la décision Européenne était préjudiciable aux intérêts des USA, dès lors que les trois grandes firmes Américaines Chiquita, Dole et Delmonte seraient exposées à des pertes de pas moins US$ 520 mln l’an. Au nom de Chiquita, l’Administration Américaine avait protesté contre ce quota, en portant officiellement la doléance devant l’OMC, accusant l’Union Européenne de vouloir favoriser ses ex-colonies au mépris du respect des clauses du free trade. De plus, les USA ont menacé d’imposer des droits de douane " full rate " sur des marchandises importées des pays de l’UE, si celle-ci se refusait à négocier un arrangement acceptable sur ses importations de bananes. C’est dire que c’est la protection des seuls intérêts des firmes Américaines qui façonne la politique étrangère de Washington vis a vis du reste du monde.

Au Maroc, le cas le plus édifiant de cette hégémonie rédhibitoire des multinationales est celui d’Altadis. Depuis qu’elle ait racheté, dans le cadre d’une privatisation tout azimut, la Régie des Tabacs, cette société Franco-Espagnole impose aux fumeurs de pipe un seul " brand " de tabac, au prix défiant tout entendement, de 35 Dhs l’unité. Or, du temps de la défunte régie, le fumeur de pipe avait droit à cinq (5) marques. Mais Altadis ayant le monopole du tabac à ce jour, elle a rayé de la commercialisation dans notre pays les quatre autres, nous imposant par là même un mono- produit de piètre qualité- un rebut des sites Français et Espagnol- avec, comble de l’ironie, des ruptures de stocks de temps à autre. L’on ne peut être qu’outré par le commandement de cette multinationale du choix du tabac à consommer. Altadis m’impose aujourd’hui le produit unique, qui rime avec parti unique, pourtant interdit au Maroc. Faudrait-il le rappeler, la situation de monopole est aux antipodes de l’esprit même du free trade prôné par l’OMC. C’est dire que les multinationales n’hésitent pas à bafouer les dispositions de l’OMC quand cela arrange leurs intérêts, en exerçant des pressions aussi bien sur les organisations que sur les gouvernements. Et notre gouvernement dans tout cela ? il déroute, au mieux, par son indifférence, s’il ne brille pas par son absence laissant les multinationales décider à sa place. Et notre conseil de la concurrence, les monopoles rentrent-ils dans son périmètre d’intervention ? ne sabordent-ils pas le principe même de la concurrence ?

La communauté internationale est appelée aujourd’hui à faire front commun contre ce takeover des multinationales qui formatent les Etats en commissioners et les peuples en métayers. Pour faire le contrepoids à ces multinationales " behemoth " qui règnent en maîtres sur le World Trade Organization (WTO), nonobstant le caractère inter étatique de cette institution, il est temps de doter le monde d’une World Social Organization (WSO). L’objectif de cette nouvelle structure sociale supranationale consisterait à reconfigurer les textes régissant le WTO , en vue d’un renforcement des régulations du marché dans le but de préserver au monde son humanité et à l’environnement ses équilibres écologiques. Cette organisation doit être dotée de prérogatives aussi efficientes que celles conférées au WTO. Last but not least, le monde a besoin aussi d’une " Autorité Fiscale Internationale " pour taxer et assujettir les multinationales à un impôt sur la pollution ( carbon tax) et à un deuxième sur la consommation effrénée de l’énergie. Tous ces " tax-incomes " potentiels dont l’instance fiscale internationale devra avoir un pouvoir exécutoire de collecte, seront réalloués à la protection de l’écologie planétaire et aux recherches en énergies renouvelables.

Mostafa Melgou  

 

 



30/11/2009
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