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Il y a trente ans, la Chine faisait peu parler d’elle en dehors de ses frontières, sauf dans quelques pays auxquels liaient des rapports politiques et militaires étroits. Aujourd'hui, le pays est une puissance économique remarquable: centre de manufacture du monde, son principal financier et premier investisseur de l’Afrique à l’Amérique latine. De plus, la Chine s’assoit confortablement sur un matelas d’avoirs de réserve d’$2 trillions- soit l’équivalent de la monnaie fiduciaire en circulation aux USA. Enfin, n’eut été le soutien financier Chinois à coups de souscription en obligations du Trésor Américain, les USA auraient de sérieuses difficultés à financer leurs déficits.

La Chine demeure néanmoins un pays pauvre en terme de niveau de vie moyen. En effet et bien que les revenus moyens aient crû rapidement les dernières décennies, ils se situent encore entre un septième et un huitième des niveaux des revenus aux Etats-Unis. De plus la croissance à deux chiffres n’a pas profité à tous les Chinois, dès lors que les disparités sociales sont plus prononcées que celles ressenties aux USA et le coefficient de Gini (indice d’inégalité des revenus) s’est creusé pour atteindre 0,46 aujourd’hui au lieu de 0,20 dans les années 1980. Ainsi, le revenu urbain est de 3,2 fois le revenu rural ; les 10% des plus nantis de la population Chinoise s’accaparent 9,2 fois le revenu du Chinois du bas de l’échelle sociale. N’empêche, les conjoncturistes futuristes prévoient que l'économie Chinoise dépassera celle des USA vers 2035-40. Mais, d’ici là et jusqu’à nouvel ordre les USA continueront de commander le monde, mais l’on ignore pour combien de temps encore, leur modèle- miné par des guerres injustes et secoué par des crises à répétition- résistera-t-il à la déchéance, ne dépendra-t-il plus du bon vouloir Chinois ?

L’autre question sous-jacente est la suivante. La Chine réussira-t-elle, à l’horizon de quelques décennies, à détrôner les USA et briguer en lieu et place le leadership du monde? La Chine sera sans conteste la prochaine superpuissance économique, mais le nouvel ordre mondial qu'elle construira sera très différent de celui qui aura prévalu sous le leadership américain et les valeurs de la démocratie libérale. En effet le régime Chinois est attaché à une conception différente de la société et des libertés individuelles. Il s’agit d’un régime plutôt communautaire qu’individualiste, plutôt autoritaire que démocratique. La civilisation Chinoise a 2.000 ans d’histoire et ne cédera pas de sitôt aux sirènes des valeurs de l’Occident. Pékin fera certainement de l’ombre New York et le Yuan rivalisera d’ardeur avec le dollar. Mais le nouvel ordre Chinois rompra avec les velléités Américaines et Européennes d’ingérence dans les affaires intérieures des Etats, au nom de la farce de l’idéal démocratique. En attendant que les USA passent la main, la Chine n’a d’autres choix que de poursuivre sa croissance économique tout en maintenant sa cohésion sociale et son unité politique. Ce n’est pas si sûr. Faut-il rappeler que la Chine Populaire que nous connaissons aujourd’hui est de création récente. Elle est née un premier octobre 1949 et son histoire ancienne, celle des mandarins, a été émaillée de guerres civiles et de velléités indépendantistes. De tout temps, des forces centrifuges n’ont eu de cesse, même aujourd’hui, de créer et d’alimenter des zones de tensions pour la Chine à commencer par Taiwan et à ne pas s’arrêter au Tibet. De plus, la Chine est le seul pays au monde où un taux de croissance de moins de 8% serait dangereux parce qu'il risque de déchaîner des troubles sociaux. Il suffit de faire le compte des bouches chinoises- un milliard quatre cent millions- à nourrir pour s’en rendre compte. Le dilemme c’est que la puissance économique de la Chine est bâti sur un régime politique autoritaire qui lui donne autant sa force- discipline et religiosité du travail- autant qu’il en constitue un élément de fragilité- répression des protestations en dehors des canaux permis. La difficulté c’est qu'il devient de plus en plus difficile pour la Chine de maintenir la cadence actuelle de croissance qu'elle a connue ces dernières années. Et pour cause, les aspirations des Chinois moyens à bénéficier davantage des retombées de l’essor économique de leur pays et à plus de mieux- être et de liberté. La Chine retournera alors pour s’installer dans une croissance moins prodigieuse que par le passé. C’est dire que la Chine sera certes une superpuissance économique avec laquelle il faut compter. Mais de là à conclure qu’elle fera vaciller les USA de leur trône me paraît relever des chimères, en l’absence d’un " World Currency Unit ", c’est à dire d’un nouvel ordre monétaire international. La Chine doit donc pour longtemps encore se contenter de son rôle de " soutier " et les USA conserveront le leur, celui de mécanicien de la " locomotive " du monde, locomotive qui risque de mener l’humanité vers les pires dérives, pour cause de débrayage et de fuite en avant permanents.

                                                                         Mostafa Melgou