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J.M.Keynes n’est-il pas en train de renaître de ses cendres?

Depuis trente cinq ans, la plupart des Etats, au travers du prisme de l’école de Chicago, n’a eu de cesse de libéraliser, de privatiser et de grand s’ouvrir aux marchés financiers. Ce faisant, l’Etat se désengage chaque jour un peu plus, cédant sa place à un marché qui ne jure que par le profit à outrance et le " shareholder value ". De même qu’à l’Etat Entrepreneur et l’Etat Providence (Daoula Razzaka) s’est substitué aujourd’hui l’Etat métayer ( Daoula Khammassa) ou " commission State ".

Cependant, la crise financière de l’automne 2008 marqua un tournant décisif dans l’histoire de la pensée économique, dès lors qu’elle asséna un coup dur à la doctrine néo-libérale d’un Milton Friedman ou d’un Friedman Hayek qui tournaient en dérision le rôle de l’Etat dans la chose économique. Or, n’eut été l’intervention de l’Etat, à coups de perfusion en milliards de " new money ", les systèmes financiers Américain et Européen se seraient totalement effondrés. L’autre constat lourd de conséquence du krach financier 2008 demeure la cadence- de plus en plus rapide- à laquelle réapparaissent les crises financières des temps modernes, ainsi que l’acuité des dégâts produits. Crise et reprise alternent aujourd’hui tous les cinq ans, au lieu de 15 à 20 ans par le passé. Ce fut le Mexique qui inaugura en 1994 la spirale des crises. Trois ans après, c’était le tour à l’Asie du Sud- Est, chez les " dragons ". En 1998 ce fut le tour au prestigieux " hedging fund " le LTCM ( Long Term Capital Management). Last but not least, ce fut le " super-bubble " du printemps 2007, suivi de la faillite de Lehman Brothers un 15 septembre 2008 .

Les séquelles – chômage élevé, paupérisation et croissance zéro- nées de la crise qui a secoué le monde en 2008, ne sont pas près de disparaître à l’horizon proche et le système financier international n’est pas prêt de se remettre de son trauma de sitôt. Paul Krugman, prix Nobel d’économie 1999 et Keynésien de proue, n’y va pas par quatre chemins. Il prône que les gouvernements et les institutions financières internationales s’attellent à revoir de fond en comble les fondements du système financier international actuel. A défaut, d’autres crises encore plus profondes et plus dévastatrices sont dans le "pipe".

C’est dire que le Keynésianisme est en train de renaître de ses cendres. Pour rappel Keynes procédant d’une vision macro-économique, préconisait un Etat fort, interventionniste dans l’économie et les finances pour éviter les dérapages du marché et les surchauffes; interventionnisme qui viendrait en aide à la main invisible, n’en déplaise à l’orthodoxie néo-libérale de Friedman et Hayek. D’ailleurs, aux négociations de Bretton Woods en 1944, Keynes qui conduisait la délégation de son pays ( la GB), proposa la création d’une "clearing union"- une sorte de chambre de compensation à l’international- avec l’objectif de contrôler les flux de capitaux entre Etats. Le "pattern" de la théorie de Keynes sur l’emploi, l’intérêt et la monnaie, a été le couronnement d’une profonde réflexion sur la dépression de 1929 ayant poussé au désarroi des pans entiers populations, devant des taux de chômage inédits- 25% aux USA, 30% en Allemagne et 22% en GB. Pour Keynes les lois du marché ne peuvent apporter de remèdes à l’effondrement de l’économie mondiale, ni rétablir l’équilibre rompu, la loi du marché des biens et services ne valant pas pour le marché de l’emploi. C’est l’Etat qui doit donc reprendre les choses en main pour réguler en engageant des investissements structurants pour créer de l’emploi, distribuer des revenus et stimuler la demande, notamment en période de récession. D’ailleurs, le " New Deal " de F.Roosevelt n’a pas été autre chose qu’une consécration pratique du Keynésianisme, se traduisant par une implication de l’Etat dans un vaste programme d’investissement dans le logement, les routes, les barrages et toute l’infrastructure.

En conclusion, depuis Bretton Woods et sur deux décennies, l’interventionnisme étatique et le système de la parité fixe ont bien fonctionné, assurant croissance économique et épargnant les bourses de la spéculation. Mais depuis le volte-face de Nixon en 1971 et l’instauration du " floating exchange rate ", les accords de Bretton Woods ont été vidés de leur substance et pointait déjà à cette date les prémices de la globalization, avec ses "bubbles" qui persistent et signent s’ils n’enflent pas, aujourd’hui, exposant l’économie réelle à des menaces sérieuses d’effondrement.

Le mot de la fin :N’a-t-on pas vu le FED injecter dans le système financier € 700 bln et la BCE € 1000 bln pour renflouer en liquidités les banques " asséchées " ? N’est-on par conséquent pas là devant un interventionnisme étatique qui ne dit pas son nom, ou plutôt, devant le recours à un Keynésianisme étriqué, c’est à dire un Keynésianisme sans la vision globale- macro-économique- de son artisan?

                                                                                Mostafa Melgou

 



23/02/2010
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