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Investissements étrangers au Maroc : le revers de la médaille

Les investissements directs étrangers revêtent plusieurs formes. Ils peuvent se décliner soit sous forme de création ou de rachat d’entreprise, ou encore sous forme de prise de participation dans le capital, de telle sorte que le pouvoir de contrôle et de gestion soit acquis et assuré par le nouvel investisseur. A fin 2007, les investissements étrangers au Maroc affichaient un solde pour l’équivalent de Mad 294 milliards. Pour le seul exercice 2007, les Investissements directs étrangers ( IDE) ont connu une augmentation de 39,5% par rapport à 2006- Mad 36,4 milliards- soit 6% du PIB. Les flux entrants et les recettes encaissées au titre des IDE, hors IDE liés aux privatisations, s’élevaient en 2007 à Mad 34,1 milliards (€ 3 mld ), en augmentation de 54,8% par rapport à 2006 ( Mad 22 milliards de recettes hors opérations de privatisation, soit € 2 milliards). Force est donc de reconnaître que les IDE au Maroc restent le premier poste du compte de capital. Ils sont de plus en plus perçus comme un moyen pour le redressement du solde de la balance des paiements, que les recettes du tourisme et les transferts des MRE ne suffisent plus à en combler le déficit . Nonobstant l’excédent de Mad 18 milliards ( € 1,6 milliard) dégagé par la balance des paiements, le compte courant accuse un déficit de Mad 807 mln ( € 72 millions), à cause principalement du déficit de la balance commerciale qui ne cesse de s’aggraver. Les chiffres 2007 publiés font état d’un déficit la balance commerciale de – Mad 139 milliards ( € 12,5 milliards).
La décision d'investir à l'étranger est généralement motivée par la recherche d'une fiscalité avantageuse, la qualité des infrastructures ou le niveau de qualification et de coût des travailleurs du pays d'accueil. Mais, la motivation qui prime sur toutes les autres lors de l’analyse d’un investissement demeure le rendement et la recherche du profit. C’est d’ailleurs le taux de rendement interne ( TRI ) d’un investissement et le niveau prévisionnel du retour sur fonds propres ( Return on Equity) qui, soit persuaderont ou soit dissuaderont l’investisseur potentiel de prendre le risque de mettre son argent dans tel ou tel pays ou dans tel ou tel projet . Le souci primordial de l’investisseur demeure, bien entendu, la récupération progressive de sa mise initiale, récupération étalée dans le temps, car par voie indirecte, se faisant à coups de distribution de dividendes pour les plus honnêtes des investisseurs, avec pour les plus avides d’entres- eux , outre l’engrangement de dividendes, le " transfer pricing ", qui n’est autre délit que le " capital flight ".
Comme tout investissement, les IDE peuvent constituer pour les pays d'accueil, de véritables leviers de croissance et de développement , pour autant qu’ils contribuent au renforcement du tissu productif, par la création de nouvels actifs ; pour autant qu’ils stimulent la demande globale ; pour autant qu’ils fassent bénéficier les pays d’accueil du transfert de technologie et d’expertise, sans que les récipiendaires ne soient tenus à en supporter les coûts en facteurs. En revanche, s’ils ne sont pas bien négociés, dirigés et ciblés , les IDE risquent de se traduire par un appauvrissement voire une érosion des réserves de changes des pays d’accueil et rendre leurs économies encore plus dépendantes de l’étranger. Qu’en est-il des IDE au Maroc ? Il serait judicieux pour nos économistes de se pencher sur cet aspect , en dressant le bilan des IDE en général et des privatisations en particulier, sur la dernière décennie. Objectif : éclairer la lanterne des politiques sur le volume des capitaux étrangers investis ( flux entrants ) et sur le niveau de dividendes distribués et rapatriés par ce même capital ( flux sortants), pour tirer les enseignements qui s’imposent et former une opinion quant à la pertinence ou à la vacuité de la politique de privatisation poursuivie jusqu’ici par le Maroc. Le constat risque de se révéler de lourde conséquence. Aléatoire et tributaire de l’agriculture, la croissance demeure encore en deçà des niveaux requis, pour pouvoir espérer répondre aux besoins socio-démographiques grandissants des Marocains. Force est de rappeler à ce propos que le classement du Maroc en terme d’Indices de Développement Humain (IDH) est peu enviable- 126 sur 177- avec un revenu annuel par habitant de US$ 2 363, l’un des plus faibles de la zone méditerranée. De plus, et nonobstant un taux de chômage moyen de 9,7%, le taux des jeunes diplômés chômeurs ne cesse de grandir, pour atteindre 21,6% . Un véritable gâchis de ressources humaines. Sur un autre registre, le tableau n’est pas non plus reluisant. En effet, le déficit de la balance commerciale ne cesse de s’aggraver. Déjà en 2007 - avant la crise financière- il s’était aggravé de 40,8% pour s’élever à € 12,4 milliards, soit 23,1% du PIB. Les importations qui s’élevaient à plus de € 23 milliards avaient augmenté à une cadence correspondant au triple de celle enregistrée par les exportations ( +22,9% versus +7,1% pour les exportations). Le taux de couverture des importations par les exportations n’est plus aujourd’hui que de 43%, contre 54,7% en 2007 et 48% en 2008) - Une première dans les annales du commerce extérieur Marocain, depuis 25 ans. Le dernier rapport de Standard & Poor’s Ratings publié en février 2008 a revu à la baisse ( down grade) le classement du Maroc en le déplaçant vers le 8ème groupe sur les 10 que comprend sa grille d’évaluation risque pays du système bancaire. Raison : la forte poussée des crédits immobiliers (+44% en 2007). Une sorte de sub-prime " made in Morocco ", qui aura pour cause directe, non pas les produits " toxiques " comme aux USA, mais la grande probabilité de défaut de paiement des promoteurs immobiliers.
Le constat le plus préoccupant demeure que nos réserves nettes de change ne suffisent plus à couvrir que 7 mois d’importations, contre 9 en 2007 & 10 en 2006. C’est dire que les perspectives 2009 sont loin de s’avérer probantes, tant s’en faut, notamment en raison du " down trend " des revenus du tourisme et des transferts des RME.

Les IDE sont, à l’instar de l’effet de levier ( leverage), s’ils ne sont pas ciblés et verrouillés par des cahiers de charges qui préservent au mieux les intérêts de la Nation, peuvent avoir l’effet d’une massue et pourraient éventuellement replonger le Maroc dans les méandres du PAS ( Programme d’Ajustement Structurel), de tristes souvenirs.

Gare au revers de la médaille des IDE.

 

Mostafa Melgou

 
 
 
 
 
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22/06/2009
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