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Indigence de la croissance

En réaction à l’article de mon ami Redouane Taouil, je me permets d’abord une précision sur quelques indicateurs de taux qu’il avance. Je lui concède que les taux appliqués aux multinationales et quelques grandes entreprises locales structurées, oscillent entre 4 & 4,5% pour les crédits de trésorerie à court terme- appelés taux spot ou " short term loan "(STL). En revanche, les taux de 10 à 12% dits appliqués aux PME, ils font partie de l’histoire ancienne. Pour les crédits par caisse à court terme, ils ne sont plus aujourd’hui, et depuis quelques années déjà, que de 6,5 à 7%. Mon ami Redouane n’est pas sans savoir que les banques aujourd’hui se livrent entre elles une guerre des taux sans merci, ce qui a ramené d’ailleurs BAM à fixer aux banques commerciales des taux plancher, en deçà desquels, il est obligatoire de rendre des comptes. Last but not least, les banques s’emploient, aujourd’hui, à qui mieux- mieux, à développer leurs revenus en commissions, à cause justement et pour parer à la faiblesse de leurs marges d’intermédiation, par rapport à leurs coûts de ressources marginaux.

A cela deux raisons majeures : l’une réglementaire, à savoir la liberté des taux, qui s’inscrit dans le cadre de l’ouverture grandissante du paysage financier et bancaire ; l’autre conjoncturelle, due à la sur-liquidité des disponibilités monétaires, cette dernière ( la sur-liquidité) étant la conséquence directe de l’insuffisance des investissements par rapport à l’épargne nationale disponible.

Sur le registre des garanties, force est d’apporter une autre précision et de rappeler que les PNB ( Produit net bancaire ) des banques sont plombés, chacun à un niveau ou un autre, par des provisions pour créances douteuses, totalisant quelques Mad 38 milliards ( 10% des crédits distribués). Il est évident, et comme le dit l’adage " chat échaudé, craint l’eau froide ", que les banques s’entourent du maximum de garanties, quand les données financières de l’emprunteur ne sont pas probantes. Mais de là à dire " que près de 100% des prêts sont soumis à des garanties dont la valeur moyenne se situe à 230% du montant du financement " revient à accuser les banques, dans les meilleurs des cas, de prêteurs à gage et d’usuriers. Je rassure mon ami Redouane que les banques n’inscrivent les garanties offertes que pour les montants des crédits distribués et c’est un maximum. Mieux encore et pour des raisons de convenance, des garanties sont inscrites, parfois, pour des montants inférieurs au financement. En tout état de cause, la banque, en vertu des dispositions de la loi et même par son code de déontologie, ne réclame que son dû. Parfois, elle est même obligée de faire des abandons d’agios, voire de créance pour sauvegarder son risque de réputation. Je fais l’impasse et l’économie à mon ami Redouane sur la qualité des garanties offertes et des désagréables surprises, au moment où la banque serait contrainte de réaliser le gage détenu.

Revenons-en, maintenant, à la problématique de la croissance. Il faut d’abord rappeler le postulat suivant, que la finalité de toute croissance doit se retrouver dans les poches des citoyens, c’est à dire améliorer leur pouvoir d’achat. Est-ce vrai ? nous le verrons plus loin. Mais voyons d’abord comment cette croissance a évolué sur plus d’une décennie. En 1994, le PIB du Maroc était de Mad 315 milliards. En 2006, il est d’environ 450 milliards. Soit une évolution de Mad 135 milliards sur 12 ans. Si on faisait le compte l’on se retrouverait, par référence à 1994, avec un taux de croissance moyen de notre PIB sur 12 ans de 3,5% pa. L’enseignement à tirer de ce constat est que notre croissance s’inscrit sur un trend linéaire de 3,5%, nonobstant quelques variations, liées à la pluviométrie annuelle, mais qui interviennent à l’intérieur du trend rectiligne. Sur la base de ce constat empirique sur 12 ans, rien ne laisse présager que la prochaine décennie afficherait un taux de croissance exceptionnel, de nature à booster notre économie et créer le plein emploi.

Au delà de la querelle des chiffres sur les taux de croissance effectifs, le problème est ailleurs. Il réside dans la distribution inique de ce PIB. En effet, sur la base du PIB actuel, quelques Mad 450 mld, la moyenne per capita serait de Mad 15 mille par an. Or, sur la base de la parité 20/80, il s’avère que nous sommes loin du compte, dès lors que en moyenne, l’on retrouve que 80% ( 24 millions ) de Marocains ne se partagent que Mad 9 mld et seulement 20% d’entre eux, Mad 360 mld. Faites le compte. C’est intenable, d’autant que les écarts se creusent pour atteindre un rapport, en terme de revenus de, 1 à 20, alors qu’en France, par exemple, il n’est que de 1 à 3,5 fois.

Nous n’avons pas besoin de statistiques, c’est visible à l’œil nu: une pauvreté grandissante, avec des écarts qui se creusent de plus en plus, une armée de chômeurs diplômés qui ne cesse de grandir, des soins médicaux de plus en plus piètres.. etc. Le Maroc s’installe dans une économie qui ne prodigue que de la misère et du désespoir.

L’analyste objective ne se fait plus d’illusion. Nous sommes en face d’une croissance qui prodigue l’indigence. Tout est à revoir. L’élite Marocaine a besoin d’un débat de fond, structurant, au lieu du débat sur l’accessoire qui prévaut actuellement. Comme si c’était fait à dessein pour nous faire perdre dans les méandres de l’insignifiant.

 

                                                                                Mostafa Melgou



25/07/2007
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