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Faut-il dévaluer le Dirham?

La parité du Dirham est indexée sur un panier de devises, principalement sur l’Euro à concurrence de 80% et accessoirement sur le US Dollar pour 20%. La dépréciation du dirham par rapport à l’Euro- devise de réserve et de règlement- ayant dépassé aujourd’hui la barre des 10%, n’est-il pas opportun de consacrer cette dépréciation par une dévaluation en bonne et due forme, pour que la parité du dirham soit conforme à la réalité de nos avoirs de réserve?

Mais qu’est-ce qu’une dévaluation ? Elle consiste, pour un Etat, à diminuer officiellement, par voie légale , la valeur de sa monnaie nationale par rapport à une devise de référence ou à un panier de devises. Elle est décrétée, comme correctif, par les autorités monétaires d’un pays lorsqu'un déficit chronique de la balance commerciale ou de la balance des paiements persiste, obérant lourdement les réserves de change.

Pour les monnaies ayant cours sur les marchés monétaires internationaux, leur valeur est déterminée par la confrontation de l'offre et de la demande. Cette dernière, qui s'exprime pour la monnaie d'un pays, dépend du volume de ses exportations, de ses investissements intérieurs et de ses avoirs (ou réserves) détenus en devise locale. Quant à l’offre ou la circulation de monnaie nationale sur les marchés, elle dépend en partie du volume des importations du pays considéré, de ses investissements à l'étranger et de ses avoirs détenus en monnaie étrangère.

Le Maroc n’est pas dans ce schéma dès lors que le dirham n’est généralement pas convertible extra - territoire national. De plus, son cours par rapport aux devises étrangères est un cours administré ou si vous préférez un cours quelque peu " forcé ", tant il n’est pas soumis à la loi de l’offre et de la demande. N’étant pas coté sur les places financières internationales, le dirham demeure une monnaie locale.

Faudrait-il le rappeler, le dirham ne tire ni sa résistance ni sa parité d’un quelconque essor économique, mais il les tire plutôt du matelas des réserves de change alimenté par les recettes du tourisme étranger, les transferts des MRE et les investissements directs étrangers (IDE). Maigre menu – juste trois filières pour nourrir la " soute " des devises. sources tarissables s’il en est.

Dressons l’état des lieux, avec focus sur les agrégats en rapport direct avec le sujet, pour ne pas trop harasser ou inquiéter le lecteur. Notre balance commerciale est en situation de déséquilibre structurel et de déficit chronique. Pis encore, ce déficit se creuse au fil des exercices. De Mad 98,6 milliards en 2006, le déficit de la balance des biens grimpe à Mad 118,5 milliards en 2007, pour clore sur Mad 148,4 milliards en 2008. Plus proche de nous, le tableau de bord de l’Office des Changes fait ressortir un déficit de la balance commerciale de Mad 60,4 milliards, pour la seule période de janvier à Mai 2009, avec un taux de couverture qui n’est plus que de 43% aujourd’hui. Si on extrapole sur une année pleine, le déficit commercial ne sera pas moins de 120 milliards, donc pas moins de 25% de notre PIB. Le compte courant, quant à lui, passe d’un solde débiteur de 807 millions en 2007 à un solde encore plus lourd de - 37,4 milliards en 2008. Last but not least. D’un petit solde excédentaire de Mad 17,8 milliards en 2007, notre balance des paiements bascule au rouge avec un solde débiteur de Mad - 11,5 milliards.

2009 ne présage pas d’une meilleure posture de nos agrégats économiques, dès lors que les revenus du tourisme, des MRE et des IDE – les principaux " soutiers " de devises- continuent inexorablement leur " down trend ". De janvier à Mai 2009, les premiers n’étaient plus que de Mad 17 milliards (- 3,4 milliards par rapport à la même période 2008), les deuxième n’étant plus que de Mad 18,3 milliards (-2,9 mld versus la même période 2008). Ainsi, tous les clignotants d’alerte sont " switched on " et réunis sont tous les ingrédients d’une dévaluation. Autant passer à l’action pour sauver ce qui peut l’être encore , sans attendre de " cogner " de front sur le mûr de la cessation de paiement. C’est dire que l’Argentier du Royaume a du fil à retordre, les finances publiques ne finissant pas de filer du mauvais coton. Il y a urgence à réagir face à un problème aux énoncés composés, d’ordre endogène à cause des mauvais choix économiques ayant mis le Maroc à la merci du diktat du marché et exogène pour cause des éclaboussures de la récession internationale.

Une dévaluation aura au moins la vertu de rendre les produits nationaux plus attractifs sur le marché local, pour raison de cherté des produits importés et de les rendre plus compétitifs à l’export, pour raison de cours avantageux à l’international. L’autre corollaire à court terme de la dévaluation éventuelle du dirham consistera en la décélération de la cadence des importations et l’impulsion de la demande extérieure pour nos exportations. C’est d’ailleurs cet objectif d’optimisation du rapport importations / exportations qui est recherché in fine par la dévaluation. L'amélioration de la balance commerciale nationale devrait entraîner un nouveau flux de monnaie étrangère dans notre pays, et finalement une amélioration de notre balance des paiements .

L’efficacité de toute dévaluation dépend de l’impact qu’aura le différentiel de coût aussi bien sur le consommateur que sur le manufacturier. En somme, tout dépendra de l’élasticité réelle de l'offre et de la demande.

Il va sans dire que l’effet de la dévaluation n’est pas perceptible dès les premiers mois de son " start up ", l'effet prix  ne jouant pas lorsque le volume des importations et des exportations restent stables. L'élasticité prix sur la balance commerciale sera donc faible. Il faudra quelques mois pour que la balance commerciale profite du deuxième effet, l'effet quantité , les importations diminuant, par la force des choses, à cause de la hausse des prix. Les consommateurs se tourneront alors vers les produits locaux. Quand aux exportations, elles se développeront substantiellement grâce à une baisse des tarifs pratiqués à l'étranger. La balance commerciale s'affichera donc en meilleure forme et ,ipso facto, les réserves de changes se reconstitueront progressivement.

La dévaluation se plaçant dans un cadre préventif, il faudrait procéder, rapidement, à la dévaluation du dirham, avant que la conversion ne devienne impossible et avant que Bank Al Maghrib ne soit à court de devises pour en assurer la conversion.

Bien entendu, nous le savons, la dévaluation a des limites et ne saurait constituer la panacée, au risque d’enliser toute l’économie dans la spirale pernicieuse des dévaluations à répétition. Rappelons-le, la dévaluation n'a de l'intérêt ni de l’efficacité que lorsque, concomitamment, des mesures d’accompagnement de fond sont prises, pour redresser les déséquilibres et les dysfonctionnements qui y ont conduit.

En conclusion, la dévaluation du dirham pourra servir de facteur d’atténuation temporaire de notre déficit commercial, mais ne modifiera en rien les déséquilibres de structure de la balance commerciale qui, elle, a besoin de réformes économiques structurantes. Le voudrait-on ? Qui vivra verra !

Mostafa Melgou





14/07/2009
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