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Du traditionalisme en général et de l’intégrisme en particulier

Les deux dernières décennies ont vu se propager l’usage du vocable intégrisme, pour désigner les mouvements islamistes qui se réclament de l’approche religieuse de la chose politique.

Il est de notoriété publique qu’à l’origine, le mot intégrisme a été conçu pour décrire un courant Protestant traditionnel et conservateur, qui refuse la modernité et appelle au retour aux fondamentaux de la religion Chrétienne. Ce courant considère que ce retour aux sources passe par une lecture littérale du Livre Saint en tant qu’expression de la vérité divine et renferme tout ce qui a trait aux codes moral, politique et social.

L’intégrisme peut être exprimé sous forme d’un traditionalisme ( Salafia ) orthodoxe , qui consacre la continuité du culte religieux dans sa dimension interprétative héritée de la scolastique des anciens, sans prendre en considération les mutations et évolutions historiques. Le courant Wahhabite, de même que l’Islam des Taliban ( un Wahhabisme sans pétrodollars) sont la parfaite illustration de la Salafia orthodoxe. A préciser toutefois que l’école salafiste ne constitue aucunement un bloc monolithique, dès lors qu’il existe en son sein des microcosmes ou variantes réformistes d’obédience " Frères Musulmans " d’Egypte ou du Hamas Palestinien ou du FIS Algérien. L’autre niveau de l’intégrisme consiste en une tendance fondamentaliste (Ossoulia ) figée qui s’en tient à l’interprétation textuelle du Livre et se refuse à toute velléité de réforme. L’exemple le plus significatif et le plus frappant de ce courant demeure sans conteste Al QAEDA d’Oussama Bin Laden et Aymane Al Zawahiry

Il est nécessaire ici de mettre en relief ce qui distingue le traditionalisme orthodoxe de la tendance fondamentaliste. Quoique toutes deux attirées par le passé, c’est cette inconscience de la dynamique historique chez les traditionalistes, qui les distinguent des fondamentalistes qui, eux, sont conscient de la variabilité du fait historique nonobstant leur refus de céder aux sirènes de la modernité qu’ils combattent.

Paradoxalement, le traditionalisme orthodoxe n’est pas figé au niveau de la démarche interprétative ( Ijtihad), au moment où le fondamentalisme adopte une attitude de rupture par rapport à toute contextualisation du texte et que toute interprétation, à ses yeux ne peut être que textuelle, exégète (Istikrâa).

Si le traditionalisme se contente en général du respect du culte, pour en faire un référentiel identitaire, sans que ce référentiel ne se traduise en projet politique et idéologique militant

- type Ahl Sunna Oua Il Ijmaâ ( tenants du consensus Sunnite)- en revanche, les groupes fondamentalistes sont en fait des groupes modernistes dans leur organisation et leurs enjeux, qui sont in fine politiques, nonobstant leur attitude récalcitrante, en apparence à la modernité sociétale et à l’amour du pouvoir.

L’autre paradoxe , c’est que le courant réformiste s’accommode plus facilement avec le courant traditionaliste, en vertu de sa fragilité organisationnelle et son cantonnement à la dimension cultuelle et rituelle , au moment où les groupes fondamentalistes continuent à développer leur propre immunité contre la modernité, en usant justement des instruments d’analyse et de sémantique propres aux modernistes.

Ce schéma est applicable à tous les intégrismes, abstraction faite de l’appartenance religieuse de chacun d’entre eux. Au fond, il n’y a pas de différence entre les mouvements islamistes puristes qui prônent l’approche de l’interprétation littérale et l’Anglicanisme Protestant de l’Amérique ou les fondamentalismes Catholique et orthodoxe de l’Europe.

Ce sont ces intégrismes, ces fondamentalismes ou encore totalitarismes religieux, qui font les lits du terrorisme sous toutes ses variantes, alimentent les courants d’extrême droite en Europe et le sionisme dans sa version israélienne.

Les appréhensions nourries ici et là, quant au devenir de notre pays, si la mouvance islamiste n’est pas contenue, demeurent donc fondées. La preuve : n’entendons-nous pas de temps à autre des sorties médiatiques d’Al Qaeda branche du Bilad AL Maghrib Al Arabi, notamment chez les voisins ? 

Dans les démocraties imparfaites, le discours à connotation religieuse demeure le ferment et le ciment essentiel pour rallier et éveiller une vaste majorité des hommes et des femmes à la nécessité de l’action politique, autour de credo religieux simples, voire simplistes, savamment véhiculés, entretenus et exploités par un " cléricalisme " qui ne dit pas son nom.

Car, pour opiniâtrement qu’ils luttent afin d’assurer la victoire- la leur- ici-bas, nos " clercs " font miroiter à leurs " fidèles " monts et merveilles dans le royaume des cieux et une vie bienheureuse dans l’au-delà.

A contrario, les partis séculiers perdent du terrain, avec une désaffection de leurs bases et des dissensions entre leurs cadres. Et pour cause, l’abandon de leur idéologie, du credo séculier qui en représentait l’essence et la raison d’être, de mots d’ordre ayant fait leur force par le passé.

Des partis historiques, dits progressistes, ont choisi, aujourd’hui, comme mode de militantisme, le compromis pour le compromis et le consensus pour les besoins du consensus. Or ces "vertus " ne sont pas porteuses d’espoirs dans une " démocratie " imparfaite et risquent, à la longue de ne plus être évocatrices. La mouvance cléricale profite de l’inanité du message séculier et du vide idéel partisan pour l’alimenter de chimères post mortem. Une sorte de traditionalisme ( Salafia ) séculier versus traditionalisme religieux.

 

Mostafa Melgou

Sept.2009



11/09/2009
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