zankana

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Droit de grève et conscience citoyenne

Ce papier m’a été inspiré par la grève des pilotes de la RAM. Une grève qui perdure depuis déjà plusieurs mois. De l’avis des observateurs, le seuil du tolérable a été franchi sans qu’il ne soit parvenu à un modus vivendi entre les protagonistes, un compromis de nature à mettre un terme à cette grève qui continue à perturber le trafic aérien au grand dam des usagers et au détriment de la RAM , qui est en train de perdre de l’argent à coup de millions de dirhams jour. Une situation de " deadlock " s’il en est. Inacceptable. Est-il tellement inextricable, insoluble ce conflit qui oppose l’association corporatiste des pilotes au PDG de la RAM ? Brossons l’énoncé générique des doléances des pilotes et les contre- doléances du PDG du transporteur aérien national. Mais rappelons le contexte en préambule. L’entrée en vigueur de l’open space et la rude concurrence entre transporteurs aériens qui en est résultée conduisit la RAM, à l’instar des autres compagnies aériennes, à créer une filiale " low cost " répondant du nom " Atlas Blue " pour pouvoir se battre à armes égales. Or une offre low cost ne peut se concevoir sans une gestion parcimonieuse et rapprochée des frais de gestion, y compris les salaires du personnel navigant, entre autres les commandants de bord. Ne pouvant puiser dans le vivier des co-pilotes RAM -des aspirants à commandants de bord- pour des raisons évidentes de gros salaires des pilotes de la RAM- en moyenne 87 000 dirhams par mois, le PDG de la RAM dut recourir à des services de pilotes étrangers " bon marché " pour le recrutement de commandant de bord pour le compte d’" Atlas bleue ".

Ce me semble t-il retrace la genèse du conflit . L’association des pilotes se plaint que le PDG de la RAM privilégie le recrutement de commandants de bord étrangers pour les services d’Atlas Bleus, au détriment de la promotion des aspirants ( co-pilotes) Marocains de la RAM. Le PDG quant à lui rétorque qu’il ne s’agit nullement de privilège discriminatoire en matière de recrutement, mais qu’il s’agit plutôt d’une question d’optimisation de coûts, dont ceux liés au " salary and wages " et que si les co-pilotes RAM aspirants acceptaient les émoluments offerts aux étrangers, ils seraient prioritaires pour être pris en qualité de commandants de bord sur " Atlas Bleue ".

Apparemment, donc, le conflit ne présente aucunement une situation de " Aucune Réponse Ne Convient " ( ARNC) mais procède aisément d’une " Question à Choix Multiples " (QCM), pour autant que les protagonistes transcendent leur ego à la faveur de l’intérêt général. Faut-il le rappeler, la RAM est une compagnie appartenant à l’Etat Marocain et chaque préjudice qui l’affecte se ressentira immanquablement sur les finances publiques.

Je suis sidéré par ce constat chaotique où deux protagonistes sont dos à dos dans l’impasse. Je suis choqué et indigné par l’absence d’une réaction vigoureuse, sauf mollement des bouts des lèvres, du ministère de tutelle et de la primature. A ce que je sache, aucune action politique concrète et énergique n’a été entreprise pour trouver une issue à ce bras de fer. Le ministre du transport aussi bien que le premier des ministres affichent une position indécise voire indifférente, comme en aurait fait montre l’homme de la rue. Je me demande à quoi bon d’avoir des ministres, politiques de surcroît, s’ils ne s’impliquent pas, ne prennent pas de risque ou au moins s’assument dans l’exercice de leur fonction, advienne que pourra. Sinon ce serait trop simple d’être ministre. L’on aurait souhaité que le ministre du transport ou, à défaut, le premier des ministres, censé être le coordinateur du gouvernement, prenne la peine de venir à la télévision pour élaborer sur le conflit dans le menu détail et exposer le point de vue du gouvernement, à charge pour l’association de faire de même. Ce faisant, l’on aura le peuple à témoin et chaque partie en aura pour ses arguments.

Le gouvernement n’a pas le droit de laisser les deux protagonistes livrés à eux-mêmes, chacun campant sur ses positions dans une voie sans issue pour cause d’ego excentrique de part et d’autre. Il est de son devoir d’intervenir en vertu de ses prérogatives pour rendre raison aux protagonistes ou, à défaut, sévir.

J’ai bien peur que ni les protagonistes ni le gouvernement ne soient conscients du tort que cette grève est entrain de porter à l’économie de tout un pays. Une grève dont la RAM est entrain de payer les frais. En terme de résultat, l’exercice 2009 serait clos sur une note négative.

La grève des pilotes de la RAM fournit une parfaite illustration de l’état d’impuissance de l’Etat Marocain et a fortiori de l’actuel gouvernement. Il y a manifestement un problème de fond dès lors qu’aucune solution négociée, même imparfaite n’ait pu être convenue, abstraction faite de qui aurait raison et qui aurait tort, de RAM ou de ses pilotes. Un amour propre par trop enflé, l’égocentrisme, le manichéisme s’avèrent être des éléments restrictifs dans le choix d’un PDG. Qu’en est-il du choix des nôtres ? Sous d’autres cieux et à situation comparable à celle qui prévaut dans RAM aujourd’hui, le PDG aurait démissionné en guise de reconnaissance de son échec quel que soit le bien ou le mal fondé de la grève. Car les mérites d’un PDG résident justement dans ses aptitudes managériales à gérer les hommes et ses performances ne peuvent être appréciées qu’à l’aune de ce prisme. Sous d’autres cieux aussi, si le PDG non performant ne veut démissionner, la tutelle gouvernementale a la latitude de le démettre. Une telle occurrence est-elle possible " home " ? La survenue d’un tel scénario aura au moins le mérite de donner aux pilotes le sentiment d’avoir réussi à faire partir leur PDG et par ce fait même seraient plus enclins à plus de flexibilité et à plus de concessions. Je sais que c’est difficile de démettre un PDG nommé par le Roi, mais ce n’est pas impossible, sinon à quoi bon de nous écorcher le tympan de l’existence de ministère de tutelle et de toutes autres institutions de l’Etat dès lors qu’elles sont dépourvues de pouvoir effectif.

Je ne conteste pas à l’association des pilotes le droit de grève, qui est un droit inscrit dans la constitution, qui attend néanmoins toujours les lois organiques pour en préciser et organiser l’application. Je demande aux pilotes grévistes d’en référer et d’en appeler à leur conscience citoyenne, pour débloquer une situation gravissime à plus d’un titre. Ils ne sont pas sans savoir que par leur " everlasting " grève, ils sont être entrain de porter un coup dur à notre PIB, lequel est déjà mis à mal pour mille et une causes. Qu’ils aient de la charité pour leur pays en faisant un petit sacrifice sur leurs salaires. Que les pilotes sachent qu’ils ont appris le métier qui est le leurs grâce à l’excellente formation dispensée par l’école (publique) des pilotes de ligne de la RAM. Il s’agit d’une école de l’Etat financée par les deniers publics, c’est dire que l’on a puisé dans les poches du contribuable.

Un mot de détente. A en croire les statistiques du haut commissariat au plan sur les classes moyennes, les salaires des pilotes mêmes alignés sur ceux d’Atlas Bleue demeurent dans la frange de la classe aisée des 10% des Marocains. Qu’ils lâchent donc un peu du lest.

Le mot de la fin. Cherche désespérément médiateur ! !

                                                                                 Mostafa Melgou

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01/09/2009
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