zankana

zankana

Doit-on jeter l’opprobre sur les banques ?

Les entreprises Marocaines ont-elles le droit de se plaindre de la cherté d’accès aux crédits bancaires ou bien devraient-elles d’abord faire leur mea culpa, pour rendre leurs doléances plus légitimes?

Par définition l’entreprise est une entité qui dispose de sa propre personnalité juridique et de l’autonomie financière. A partir de ce postulat d’usage, les actionnaires ne doivent plus se prévaloir de leur statut de promoteurs pour confondre le patrimoine de leurs entreprises avec le leur propre. D’ailleurs la notion " d’abus de biens sociaux " est arrivée à point nommé par la dernière loi sur les sociétés pour justement combattre le fléau des " supports négatifs " c’est à dire les actionnaires qui procèdent à des distributions à outrance de dividendes ou de détournement de crédits destinés en théorie au financement de l’entreprise. Mais nous n’avons pas encore de cas pouvant faire jurisprudence pour nous prononcer sur l’efficacité d’une telle provision légale.

Pour les besoins de l’illustration, j’exclus de mon analyse ce que l’on appelle les crédits de notoriété ( the name lending), pour mettre l’accent sur les seules entreprises notamment PME et la démarche bancaire y afférente pour tout octroi de crédit.

Il est évident que le diagnostic financier de l’entreprise qui postule à un crédit passe nécessairement par l’analyse de sa documentation comptable. Et c’est cette documentation à savoir le bilan, le Compte de Produits et de Charges (CPC), les Etats d’Informations Complémentaires (ETIC) et le tableau de financement ou des flux financiers qui donnent la mesure du risque intrinsèque encouru par la banque sur l’entreprise demanderesse. Il n’est pas superflu de rappeler que c’est le bilan- un agrégat de comptes- qui renseigne sur le patrimoine de l’entreprise ( Networth ). Quant au Compte des Produits et des Charges (CPC), il reste l’indicateur par excellence des performances en terme de volume du business et des résultats. Enfin le tableau des flux demeure le baromètre du niveau des cash flow que l’entreprise parvient à générer et partant conditionne sa liquidité.

Au terme du diagnostic et en fonction des " findings ", le banquier décide de faire le crédit ou de le décliner ou de le faire mais avec des conditions restrictives ou suspensives.  

Nous le savons, le plus gros risque auquel puisse être confrontée une banque, c’est celui inhérent au défaut des débiteurs, lorsque ces derniers n’arrivaient pas à honorer leurs engagements. Pour une banque, en dehors du risque de défaut, le reste n’est que de l’accessoire qui se gère. D’ailleurs le credo auquel en appellent les banques aujourd’hui , surtout à la suite de la crise financière qui ne s’est pas encore éteinte, c’est " pour une meilleure maîtrise des risques " qui demeure un axe de choix pour améliorer le " bottom line " du Profit and loss ( P&L). Il ne sert à rien pour une banque de s’employer à faire du PNB malsain, qu’elle serait d’ailleurs obligée de couvrir, en vertu des règles prudentielles en vigueur, par des provisions pour créances en souffrances.

" Chat échaudé, craint l’eau froide ". Il n’est pas intellectuellement honnête de désigner les banques à la vindicte publique, lorsque nous savons que le niveau des créances en souffrances enregistré par la profession bancaire se maintient toujours à la barre par trop élevé des 8% des crédits à l’économie- la norme ne devant pas dépasser les 2% comme c’était le cas en Europe d’avant la crise financière. De même que nous ignorons si l’amélioration constatée dans le paysage bancaire Marocain - le taux s’établirait au seuil fatidique de10% quatre ans auparavant- était le fait de solution négociée ayant abouti à des issues heureuses ou bien si l’amélioration enregistrée était tout simplement le fait d’une dilution du niveau des créances en souffrances dans les améliorations qu’enregistrent les crédits à l’économie distribués par la profession au fil des exercices, en moyenne entre 15 à 20%. Je me permets ici d’apporter un éclairage de pédagogie, pour faire le distinguo et éviter les confusions d’interprétations entre taux de créances en souffrances brutes, qui est le total des crédits malades ( pré-douteux, douteux ou compromis) rapporté au total des crédits à l’économie. C’est l’indicateur de choix sur les " casseroles " ramassées par les banques. Il ne doit tenir compte ni des garanties détenues, ni des provisions constituées. A ne pas confondre avec le taux de perte sèche ou taux de créances irrécouvrables, qui , lui, est égal au total des créances en souffrances, diminuées des garanties affectées des décotes réglementaires et des provisions constituées.

Faire le diagnostic d’une entreprise est un exercice on ne peut plus périlleux, pis encore s’il s’agit de statuer sur un crédit lorsque le banquier n’a entre les mains que des états comptables incomplets et étriqués- fiables à un cheval près-. Des états comptables qui donnent la chair de poule. Ils sont ou soit majorés c’est à dire corrigés au mieux pour tromper le banquier quitte à conforter le fisc ou soit minorés pour ne pas s’acquitter de ses impôts. Dans les deux cas de figure, le banquier est devant un dilemme et ne sait plus à quel saint se vouer. C’est tout un travail rébarbatif d’investigations et de retraitement que le banquier doit entreprendre pour atténuer son risque de crédit.

Devant un tel puzzle, le banquier est en droit de s’entourer du maximum de sûretés tant réelles que personnelles pour se prémunir contre une probabilité de défaut des plus élevés, quand les états financiers ne sont pas probants ou de piètre qualité. Et justement les sûretés sont conçues pour combler les insuffisances intrinsèques de l’entreprise telles que les révèlent ses états financiers.

Qui s’en souviendrait ? Le gouvernement de l’alternance conduit par SI Abderrahman El Youssefi avait accordé une amnistie fiscale aux entreprises Marocaines sur plusieurs exercices antérieurs, dans l’espoir de combattre l’évasion fiscale et d’inculquer aux hommes d’affaires Marocains les bonnes pratiques de transparence et de bonne gouvernance. Hélas ce fut peine perdue, car cette campagne de moralisation de la chose économique n’a pas donné les résultats escomptés. Le moindre des civismes voudrait que chacun s’acquitte de ses impôts envers son Etat, pour donner du sens à la notion de contribuable et daigner clamer sa citoyenneté . De plus le même gouvernement El Youssefi avait consenti une autre faveur aux entreprises Marocaines à savoir la " réévaluation libre " des bilans, en vue de les aider justement à la mise à niveau de ces bilans. Sur ce chapitre aussi, les résultats se avérés peu probants, dès lors que l’action avait été détournée de ses fins, à savoir l’assainissement des comptes pour que ’entreprise puisse redémarrer sur des bases saines. In fine la campagne de réévaluation n’avait pratiquement servi qu’à faire du " window dressing ", sans avoir déclenché le déclic salvateur chez les entrepreneurs pour réaliser une bonne fois pour toutes que les fonds propres d’une entreprise et notamment son capital social reste la garantie et le confort par excellence des tiers, notamment les bailleurs de fonds.

Je ne peux ici faire l’impasse sur les efforts louables des autorités monétaires de notre pays qui renforcent progressivement le champ réglementaire de la profession, avec l’objectif de discipliner aussi bien les débiteurs potentiels que les banques, via les directives de Bank Al Maghrib (BAM) sur le minimum d’informations requis et sur l’obligation en vertu de la loi pour les Sociétés Anonymes de satisfaire à un capital minimum et de produire un rapport d’un commissaire au compte.

Les lois ne sont jamais respectées par vertu. L’Etat doit donc s’acquitter de son rôle de régulateur et d’organe de coercition pour sévir, en attendant que changera la culture.

                                                                                  Mostafa Melgou

 



08/05/2009
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 25 autres membres