zankana

zankana

De l’investment grade du risque souverain à l’investment grade du développement humain !

L'on ne peut que se féliciter que notre pays ait pu améliorer sa note de risque souverain d'un cran (un notch), passant de BB+ à BBB- pour sa dette à terme externe et de BBB à BBB+ pour sa dette à terme domestique. Ces lettres- notes, en quoi consistent-elles ? Il s'agit de symboles que les agences de notation utilisent pour qualifier le profil d'un risque de contrepartie (crédit) ou d'un risque émetteur (émission obligataire) que ce soit pour le Corporate ou pour les États. La notation d'un crédit (credit rating) mesure la capacité d'un emprunteur à faire face à sa dette ( debt service capacity), c'est à dire à honorer ses engagements. Les notes sont déclinées par les agences sous forme d'une échelle de notation graduée decrescendo du meilleur profil risque (AAA) au risque le plus dégradé(D), passant par les B et les C, en single, double ou triple. De plus les agences de notation procèdent à un sous-assemblage par cohorte de notes, les bonnes formant l'ensemble de " l'investment grade " avec borne supérieure (AAA) et borne inférieure (BBB), les moins bonnes et sensibles constituant l'ensemble du " speculative grade ". Le Maroc a donc quitté l'ensemble des " speculatives " pour se hisser dans la cour de l'" investment grade ". En tout cas, en terme de ratio dette et déficit budgétaire rapporté au PIB, le Maroc est plus performant que l'Union Européenne ou les USA.

Grâce à ses notes, notre pays est aujourd'hui dans une meilleure posture en terme d'accès au financement sur les marchés financiers internationaux, de même qu'il est en droit de prétendre à l'application d'une faible prime de risque sur des emprunts éventuels.

Force est de reconnaître que notre pays a fait d'énormes efforts et de sacrifices au détriment de son développement pour réduire drastiquement sa dette externe (en devises). Celle-ci se chiffrait à US$ 21,3 bln en 1992 et le service de la dette absorbait à lui seul le tiers du budget de l'État. Le Maroc est parvenue à comprimer sa dette extérieure de plus de la moitié, pour partie en remboursement et pour partie en reconversion, nonobstant la reprise à la hausse constatée depuis 2008. Cet effort de désendettement a abouti grâce à une gestion active de la dette via la convertibilité en investissement ou le refinancement à des taux bonifiés pour en concomitance rembourser les dettes les plus onéreuses.

Bien entendu, le recours au re-profilage de la dette externe en dette domestique a ses inconvénients et a ses limites- accaparement de l'épargne disponible par le Trésor Public et son corollaire l'assèchement des liquidités bancaires avec tous ses effets induits sur l'investissement ..etc-. Mais ces réflexions relèvent d'un autre débat qui n'est pas l'objet de cette chronique. En revanche, celle-ci remue un autre registre, celui du manque d'en phase entre le " sovereign credit rate " et le " human development index " du Maroc. En effet, si notre pays est parvenu à convaincre Standard and Poor's (S&P) pour qu'elle décerne l'investment grade à son risque souverain, force est de constater aussi que le même S&P a relevé une faiblesse de nos indicateurs sociaux. Il est recommandé que le niveau de vie de nos concitoyens converge pour s'aligner sur les standards observés par les pays de même rating que le nôtre. Cette observation nous renvoie à la faiblesse de notre IDH, un indicateur qui mesure l'évolution d'un pays selon les critères de base du développement humain : qualité de la santé, le niveau d'alphabétisation des adultes, le taux brut de scolarisation et le niveau de PIB per capita , apprécié en terme de parité de pouvoir d'achat en US$ (PPA).
Le rapport du PNUD (Programme des Nations Unies pour le Développement) sur le développement humain, dans son édition 2009 classe le Maroc au 130ème rang (sur 182), avec un IDH de 0,65 dans la borne inférieure du niveau moyen de développement humain. La valeur de l'IDH- elle se situe entre 0 & 1- mesure le chemin parcouru par un pays et combien il lui en reste pour atteindre l'idéal souhaité de 1. Là où le bât blesse – un véritable paradoxe- c'est que notre pays est bien loti en instances d'œuvres sociales, dont la plus prestigieuse et la mieux pourvue en ressources reste l'INDH (Initiative Nationale pour le Développement Humain). Elle s'est fixé comme cibles la lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale. Dans ce cadre et depuis sa création en 2005, l'INDH a déboursé pas moins de Mad 11 bln en projets dits sociaux. Et pourtant, le classement de notre pays n'a pas été à la hauteur d'un tel niveau de dépenses. Pour mesurer l'ampleur des dépenses engagées par l'INDH, il suffit de les rapporter aux budgets alloués à la santé pour constater qu'elles en sont largement supérieures. Ainsi et si ce ne sont pas les ressources financières qui font défaut, ou réside donc le problème ? est-ce dans le choix des préposés à la gestion de l'INDH ? Est-ce dans le ciblage des projets portés par cette instance ? Est-ce dans la mauvaise allocation des ressources financières de l'INDH ? Autant de questions qui méritent réflexion !

Les percées macro-économiques ont peu de sens et relèveraient plutôt du " window dressing " comptable, si elles ne se traduisaient pas par un " upgrading " social.

                                                                                 Mostafa Melgou

  1. Investment grade= profil risque auquel l'on peut prêter, placer ou y investir son argent à plus ou moins long terme.
  2. Speculative grade= profil risque auquel l'on peut prêter ou placer (à l'exclusion de l'investissement) son argent, mais à court terme (l'horizon d'un an


19/04/2010
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 25 autres membres