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De l’Etat- Nation à l'Etat concessionnaire

Tout le monde s’accorde à vilipender les totalitarismes religieux et idéologiques. En revanche, peu sont ceux qui mettent en garde contre un autre totalitarisme, d’un genre particulier, bien plus pernicieux et plus avilissant. Le totalitarisme du capital et son corollaire le fondamentalisme du marché, qui s’imposent, aux peuples et aux Etats, en " commandements " si n’est en diktats. Un totalitarisme qui dicte aux Etats, via des désengagements à outrance, de cesser d’être l’émanation de la volonté populaire, pour se convertir en Etats concessionnaires, succursales ou " franchises " étrangères, où les notions de souveraineté, d’identité nationale et de pouvoir politique territorial ne seraient plus que des illusions ou des souvenirs d’une époque. On aura, ainsi, déterré des concepts tels " centres " et " périphéries " qu’on avait cru révolus. Concepts chers aux théoriciens du " développement inégal " et aux idéologies marxisantes sur le sempiternel conflit de commandement entre le travail d’un côté et le capital de l’autre.

Dans le monde unipolaire d’aujourd’hui, ce totalitarisme porte le nom euphémique de globalization, où l’Etat n’est plus cet organe d’expression nationale. Il en est réduit, avec l’appui d’une flagrante collusion du pouvoir local, à un arsenal qui manipule, instrumentalise les institutions du pays, la classe politique et les élites.

Les pays de la périphérie qui auront choisi de s’en remettre aux chimères que miroite la globalization, découvriront leur double aliénation. L’une exogène, liée à leur situation de pays de la " périphérie ", l’autre endogène, lié à leur statut de filiale ou purement de succursale, tournant complètement le dos aux attentes des populations " indigènes " . Au moment où le Marocain a besoin de blé, l’on cultive tomates et agrumes pour satisfaire la demande du marché étranger. Au moment où le pays a besoin d’une industrie intégrée et structurante, l’on confine notre industrie dans la manufacture et la sous-traitance. Le Maroc désinvestit, en cédant ses actifs via les privatisations, alors que l’investissement productif demeure le levier incontournable à tout développement. Le tourisme non plus n’est pas épargné par cette extraversion, dès lors que son architecture conceptuelle ne vise pas la demande domestique. C’est un tourisme " hard currency oriented " et son " target " ne peut être que la demande étrangère.

Bref, le pays est de plain pied dans un schéma de rapport d’échange inégal, dominant- dominé, au même titre que le rapport qui lie une filiale à sa maison mère. Que me vaut dès lors ce simulacre d’élections tous azimuts ? Que me vaut ce simulacre d’institutions si ce n’est de vernis pour justement cacher le visage sordide d’un néocolonianisme qui ne dit pas son nom?

Les apprentis autochtones de la globalization semblent ignorer les fondements bien assis de cette doctrine chère aux nouveaux conservateurs " new cons ", qui sacralisent le marché comme étant l’autel sur lequel tous les sacrifices sont permis : Les libertés publiques à la faveur des libertés individuelles ; l’identité collective à la faveur de l’" autisme " clanique ; l’égalité sociale à la faveur des oligarques, l’Etat à la faveur du pouvoir politique et financier de l’élite.

Cette ligne de conduite des neo-cons du centre, mimée aveuglément par les zélateurs de la périphérie, considèrent les lois du marché comme étant à l’origine de toute liberté et de toute égalité. Ils ne conçoivent pas que l’on puisse concilier liberté individuelle et égalité sociale. Celle-ci ne fait, à leurs yeux, que fausser les mécanismes du marché, retarder le progrès économique et hypothéquer l’avenir économique. Le constat est ahurissant. Au fétichisme païen d’antan, correspond aujourd’hui un fétichisme marchand. Aux fondamentalismes religieux a-historique s’ajoute aujourd’hui un fondamentalisme mercatique morbide.

Pour se soustraire à cette déferlante globalization, les pays de la périphérie jaloux de leur souveraineté et de leur identité doivent mener un combat collectif et global pour desserrer l’étau du diktat du marché, dans la perspective de concilier intérêt général de leur société aux libertés individuelles. Car le véritable combat aujourd’hui est celui qui oppose les tenants de la prééminence de l’Etat, consécration de l’intérêt général aux partisans de la prééminence des intérêts particuliers d’une minorité.

Le Maroc n’a d’autres choix que de rallier le front anti-globalizationniste pour sauver ce qui peut encore être sauvé. A défaut, le pays se retrouvera, d'un côté, avec une économie à deux vitesse sinon à plusieurs. L’une moderne et extravertie, qui s’inscrit dans une logique de rapine internationale. L’autre arriérée et introvertie, qui ne peut générer que de l'indigence " nationale ". Le premier panel comprendra les filiales de groupes étrangers qui se partagent le Maroc en chasses gardées, outre quelques entreprises locales structurées. Le deuxième panel, celui des recalés, comprendra tout le reste, c'est à dire toutes les PME/PMI qui représentent 80% de notre tissu industriel et commercial.

Notre économie n’est pas prête à s'intégrer dans ce nouvel ordre économique international sans risque de fracture sociale, fracture dont les prémices sont d’ores et déjà visibles à l’œil nu.

Contrairement à ce qui prévalait durant la période coloniale classique, le néocolonialisme contemporain fait aujourd’hui partie intégrante du nouvel ordre mondial- ordre bâti sur des structures géopolitiques et géostratégiques qui garantissent et confirment, en vertu d’un rapport de force inégal, en perpétuelle reproduction, la suprématie du centre face à la dépendance économique et l’aliénation culturelle des pays de la périphérie.

Mostafa Melgou



05/10/2009
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