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Catho- laïcité helvétique ! !

Le titre déroute, peut paraître quelque peu saugrenu dès lors que le vocable laïcité renvoie par définition à la séparation de l’Etat et de la religion. Mais la réalité tangible montre que la laïcité catholique n’est pas un impair sémantique. Les Suisses en ont fourni la preuve. Jugez-en par vous-mêmes. Nous faisons allusion au référendum sur l’interdiction de la construction de minarets qu’eut lieu en Suisse, avec, à la surprise générale un " oui " contre, remportant 57,5% des voix. Cette interdiction obtenue par voie référendaire sera consignée dans la constitution c’est–à-dire qu’elle aura force d’un " non " constitutionnalisé, la confédération helvétique étant une démocratie directe. Les résultats de ce scrutin à soubassement religieux se sont fait sentir dans toute l’Europe, un univers chrétien, il faut le préciser. Ainsi, en France, à titre d’exemple, un sondage analogue au Suisse effectué rapidement par IFOB a révélé que 46% des Français sont pour l’interdiction des minarets et 40% contre avec 14% d’abstentionnistes. Un sondage qui nourrit la crainte de voir l’interdiction des minarets faire tâche d’huile dans le vieux continent. A telle enseigne que dans un pays- la France- où la laïcité est érigée en institution, une ex-ministre appartenant au courant de la droite Chrétienne laissait entendre en substance que le minaret est un symbole de la religion musulmane et que l’Europe n’est pas une terre d’Islam. Elle semble ignorer qu’il ne s’agit nullement d’une confrontation et encore moins d’un affrontement entre Islam et Chrétienté. Car la controverse effective est de savoir si l’interdiction des minarets ne constituait-elle pas une entrave voire une violation des droits essentiels de l’homme, dont la liberté de culte, telle qu’elle est garantie par la loi ? Qu’aurait- dit la même ex-ministre si, en guise de représailles, un contre- référendum eut lieu dans l’un des pays musulmans et aurait révélé une majorité de voix contre la dotation des églises en cloches, avec interdiction de tintements de ces dernières les dimanches et autres fêtes religieuses ? Ce référendum, ne constituerait-il pas pour elle une atteinte à la liberté de croyance chrétienne en terre musulmane ? Dirait-elle que le référendum est un acte démocratique légitime que l’on soit d’accord avec ou contre ? ou bien considérerait-elle l’acte comme une pratique fondamentaliste propre aux musulmans, prévue dans et par leur religion répressive qui ne respecte pas les croyances des autres ?

Le score élevé des " oui " à l’interdiction de nouveaux minarets en Suisse a surpris les élites y compris les religieux et les politiques. La surprise est née de cette dichotomie, résultant d’un déphasage entre élites et hommes de la rue dans la perception de l’Islam. Cette élite était persuadée que c’était le " non " à l’interdiction qui allait l’emporter, la même élite ayant oublié que des années durant, elle n’avait eu de cesse de cultiver dans l’imaginaire collectif des citoyens Suisses un sentiment de mépris et de haine à l’endroit de l’Islam. L’on ne peut être que surpris par les signes de surprise apparente de cette élite populiste par rapport à un comportement d’électeurs " worked up " et du score dûment " expected " de la votation référendaire d’une opinion publique endoctrinée et embrigadée.

L’Europe est une terre Chrétienne et il est compréhensible que le chrétien moyen, à force d’endoctrinement et d’"intox" par les média, nourrisse des appréhensions voire des phobies quant à la menace de sa religion par une autre. En l’occurrence par un Islam sommé de tous les maux et de tous les extrémismes outre d’être considéré comme une, sinon la religion nourricière et " usinière " de toutes les barbaries et tous les terrorismes. Mais s’est-on jamais interrogé sur les véritables raisons qui sous-tendent cette agression dont est victime l’Islam à commencer par les caricatures blasphématoires Danoises, les propos intempestifs du Pape Benoît XVI, la polémique du voile et du Burka et aujourd’hui encore l’interdiction suisse des minarets. L’académicien Français Jean-Paul William, spécialiste de la sociologie religieuse note que la société Française s’est laïcisée mais ne s’est aucunement départie de sa religiosité et que sa mémoire collective reste bien marquée et immersive dans la chrétienté. L’on comprendrait ainsi aisément qu’un minaret qui se dresse puisse brouiller le panorama culturel en imposant une pluralité religieuse difficile à admettre. De plus, les édifices religieux n’ont pas seulement un statut de monuments, ils incarnent aussi l’expression d’un pouvoir. Doit-on rappeler que les Catholiques, au 19ème siècle s’arrogeaient le droit de construire leurs églises dans les rues et artères principales, au détriment des Protestants qui doivent se contenter des arrière- plans et des rues peu en vue. Plus près de nous, la Chancelière Angela Merkel n’a-t-elle pas déclaré qu’il est possible de continuer à bâtir des minarets, pour autant que leurs hauteurs ne dépassent pas celles des beffrois des églises ? Une guerre de symboles religieux s’il en est ! Ce ne dénote-t-il pas, comme le fait remarquer William, d’une certaine catho- laïcité (ou protesta-- laïcité) c’est à dire une catholicisation ou une protestantisation de la vie quotidienne, en dépit de l’apparat de la laïcité. Preuve en est l’adoption du calendrier grégorien- par référence au pape Grégoire XIII- les fêtes religieuses ..etc.

l’Europe traverse aujourd’hui une profonde contradiction née de la résurrection de son legs judéo-chrétien qui contraste voire contrarie ses valeurs modernes de liberté et de démocratie. Ce " revival " re-traditionnalisant de l’Europe ne peut être compris s’il n’est pas rapporté à son souci culturel de mieux se positionner dans l’échiquier du nouvel ordre civilisationnel qui se dessine à l’horizon. C’est cette contradiction héréditaire que doit surmonter l’Europe aujourd’hui car le monde se dirige inexorablement vers la multi- polarisation et la multi- civilisation. Faut-il le rappeler, l’Europe ne produit plus aujourd’hui qu’une civilisation unique, la sienne ? Mais elle a cessé de produire la civilisation universelle de même que la modernité n’est plus l’apanage du seul vieux continent. Lorgnez du côté des USA et de l’Asie !

En résumé, la polémique dont a accouchée le référendum helvétique sur l’interdiction de la construction de minarets n’est que la poursuite d’une autre polémique suscitée celle-là par les écrits de Samuel Huntington sur les guerres culturelles et sur le clash des civilisations. Pour Huntington l’Islam est porteur d’une culture encline, plus que les autres, à provoquer le clash de civilisation. Il reproche à l’Islam sa culture dont les adeptes sont convaincus de la suprématie sur celles des autres, notamment celle de l’Occident.

Mais notre Huntington fait l’impasse sur plusieurs faits historiques indéniables. Produit de l’Orient comme le judaïsme et le Christianisme avant lui, l’Islam n’a pas produit le fascisme ni le Nazisme qui restent des purs produits Européens. De plus, doit-on rappeler que le fondamentalisme est un concept qui tire ses origines, non pas de l’Islam mais plutôt de la doctrine judéo-chrétienne ? Enfin, les religions monothéistes, n’ont-elles pas en commun le même mode d’expression dans l’exercice des liturgies et de litanies, abstraction faite de leurs invocations? Il est donc impossible de parvenir à une pluralité religieuse effective et à une coexistence en bonne intelligence et sincère, si tout le monde ne tolère pas tout le monde.

Le mot de la fin. Le scrutin suisse ne contredit-il pas les valeurs de droit, de liberté et de pluralisme, en consacrant institutionnellement l’interdiction de construire un minaret à Zurich et par extension à Berlin ou à Amsterdam?

 

                                                                                   Mostafa Melgou



15/12/2009
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