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Candidature Arabe à la Direction Générale de l’UNESCO : les raisons d'un échec?

Le 22 septembre dernier, pour la première fois dans les annales de l’UNESCO, une femme Bulgare- Irina Bokova- parvint, au scrutin final, à briguer le mandat de directrice générale de cette organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture. Le candidat malheureux n’est autre que l’inamovible ministre Egyptien de la culture Farouk Hosni.

Pour la deuxième fois sur une décennie, l’on prend acte de la défaite du candidat Arabe à la présidence de l’UNESCO. Défaite qui n’a surpris que le candidat lui-même et le pouvoir politique qui l’a proposé et soutenu, usant et mobilisant tout son arsenal de public relation, dans l’espoir de redorer son blason.

Mais pourquoi donc le candidat Egyptien a-t-il essuyé un tel échec ? avait-il une quelconque chance pour présider aux destinées de l’internationale culturelle ? de l’avis des observateurs, trois raisons majeures ont empêché le succès de F.Hosni. D’abord, les querelles intestines Arabes intra-groupe. Déjà en 1999 l’Egypte avait présenté son propre candidat contre le candidat du consensus arabe, Ghazi Al Gosaibi. Cette fois-ci c’est un algérien- un autre arabe- qui rentre en lice pour rivaliser avec Farouk Hosni. A rappeler que le scrutin final était de 31 voix pour Bokova contre 27 pour Hosni qui a été pénalisé par la défection de deux voix arabes, au moins, au score final, si l’on s’en tient à reconstituer la liste des votants. Une émulation qui en dit long sur l’hypocrisie d’une solidarité Arabe de façade.

Deuxième raison majeure de l’échec. Le candidat Farouk Hosni est une figure de proue du régime politique de son pays l’Egypte. Régime qui a été classé- piètre classement- au 146 ème rang sur une échelle 173 pays dans le rating de " Reporters sans frontières ", au sujet de la problématique de la liberté de la presse. Enfin la dernière raison réside dans le répertoire peu reluisant de Farouk Hosni " himself ". Durant son mandat de ministre de la culture qui dure depuis déjà 22 ans, Hosni a réussi à faire l’unanimité contre lui dans les sphères de la culture en Egypte. Il est accusé par l’opposition d’avoir " nationalisé " (de parti national au pouvoir) c’est à dire rendu univoque la culture dans le pays des Pharaons . C’est encore lui qui avait, en 2006, décrié dans des propos intempestifs le port du voile par les femmes Egyptiennes. Indécence ayant soulevé une levée de boucliers qui allait dégénérer en émeutes. En somme sous le long mandat de Farouk Hosni, le recul de la chose culturelle n’est plus à prouver : mainmise du parti national au pouvoir depuis 25 ans sur la culture. La presse est muselée lorsqu’elle ne peut être apprivoisée. Les intellectuels qui refusent de se ranger dans le choral de la bénédiction et de la soumission sont traqués et punis en vertu des lois d’exception (emergency regulations) ! Last but not least, Farouk Hosni traîne dans son passif des négligences ayant conduit à des incendies dans des salles de théâtre.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, le surprenant serait que le candidat Egyptien ait pu remporter les élections de l’UNESCO. La logique voudrait que l’on se pose la question du pourquoi un pays, en l’occurrence l’Egypte, avec de telles contre-performances ait osé la mésaventure de proposer un candidat à la présidence de l’UNESCO, pour gérer la chose culturelle au nom de la communauté internationale ? Le concert des nations accepterait-il que Farouk Hosni gère la culture mondiale, un patrimoine universel, comme il gérait la culture dans son propre pays ?

Simone Weil, personnalité de confession juive rescapée de l’holocauste Nazi, charismatique et influente en France avait déclaré quelques heures avant l’annonce du résultat du scrutin que " l’UNESCO a besoin d’une personnalité forte qui garantisse l’ouverture sur tout le monde ". Comprenez l’ouverture sur les toutes les cultures et les langues y compris la culture juive et l’hébreux. L’éditeur du " nouvel observateur " Jean Daniel, un autre Français non moins influent, de confession juive, mais réputé pour ses positions équilibrées dans le conflit Israélo-Arabe avait déclaré que Hosni était probablement sincère lorsqu’il s’était rétracté pour être absous de ses déclarations de " brûler lui-même les livres Israéliens ", déclarations jugées anti-sémites. Et d’ajouter, néanmoins que Farouk Hosni restait indifférent aux exactions commises par les sécuritaires contre l’élite intellectuelle d’opposition en Egypte.

Lorsque la candidature est portée par un pays classé au bas de l’échelle de la liberté de la presse, derrière le Cambodge et le Soudan ou le Tchad. Lorsque le candidat lui-même est accusé par un grand pan du genre culturel, dans son propre pays d’être l’artisan de la banalisation voire de la "gueuserie " de la culture. Lorsque le même candidat postule à prendre en main la chose culturelle à l’internationale, il ne faut donc pas que les arabes s’attendent à autre chose que l’échec, qui s’inscrit à contrario dans la logique des choses, dès lors que le risque latent est voir le candidat Egyptien se comporter avec la culture à l’internationale comme il le faisait chez lui en Egypte.

Nous ne pouvons tout le temps mettre nos déboires sur le lobby juif, dont l’influence est certes indéniable, mais n’explique pas tout. Il faut que les arabes se défassent du sentiment d’être les victimes d’un complot international ourdi contre eux.

Sans exception, le monde Arabe a perdu aussi bien le " greater " que le " lesser " Jihad. Il ne renvoie pas l’image d’une civilisation capable d’une culture " lead " . Il lui sera difficile avant beaucoup d’histoire de " décaper " et reluire une image ternie par plusieurs siècles de ténèbres, à partir du 5ème Hégire correspondant au 11ème Grégorien, lorsque le monde Arabo-musulman commença son acharnement contre la traduction des œuvres des autres civilisations, grecque, Hindoue et Perse.

Nous avons encore du chemin à faire sur la voie de la démocratisation, des droits de l’homme et de la tolérance, pour pouvoir jouer dans la cour des grands.

Je tire personnellement deux enseignements de la défaite arabe à l’UNESCO. Primo, le candidat doit être de valeur culturelle sûre. Secundo, il ne faut pas que cette valeur soit phagocytée par un régime politique et confondue dans une gouvernance aux antipodes de la culture.

 

 

                                                                        Mostafa Melgou

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 



14/10/2009
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