zankana

zankana

Bâle II: les piliers prioritaires

La révision de l’accord de Bâle I ( ou ratio Cooke ) a débouché sur l’établissement de nouvelles normes prudentielles bancaires, plus élaborées et plus étoffées. Elles portent le nom de dispositions " Bâle II " ou " Mc Donough ". L’esprit. Ces dispositions ont été conçues pour assurer plus de solidité et de stabilité au système bancaire international. La lettre. Elles prévoient trois piliers, le premier ayant trait aux exigences minimales de fonds propres, le deuxième au processus de surveillance prudentielle et le troisième à la discipline du marché. Cependant, la profession bancaire au Maroc ne focalise que sur le premier pilier, pour en faire une fin en soi, en surfant sur les deux autres. Il est, donc, primordial de compléter les exigences minimales de fonds propres constituant le premier pilier par une application résolue du deuxième pilier, qui couvre notamment les dispositions prises par les banques, pour évaluer l’adéquation de leurs fonds propres et par la Banque Centrale pour vérifier ces évaluations. Il est tout aussi primordial de boucler le dispositif par le volet " exigence de la  communication financière ", qui représente la pièce maîtresse de la discipline du marché au titre du troisième pilier. Sur ce dernier chapitre, aucune réflexion stratégique sérieuse n’a été engagée à ce jour dans notre pays, pour discuter des disparités éventuelles entre normes prudentielles et normes comptables.

Quant à moi et si je devais classer les piliers de Bâle II par ordre de priorité pour le Maroc, j’inverserai les positions en mettant top prioritaire la " surveillance prudentielle ", que je relaye ensuite par la " discipline du marché ", pour enfin clore sur les exigences minimales en fonds propres. Pourquoi ? Parce que le processus de surveillance prudentielle tel qu’il est défini par le dispositif vise non seulement à garantir que les banques disposent de fonds propres adéquats pour couvrir l’ensemble des risques liés à leurs activités- risque de contrepartie, risque opérationnel et risque de marché- mais également à les inciter à élaborer et à utiliser de meilleures techniques de surveillance et de gestion des risques. Et c’est là où le bât blesse. L’augmentation des fonds propres ne devrait, en aucun cas, être considérée comme l’unique moyen de réagir à un accroissement des risques. D’autres moyens, tels que le renforcement du " risk management ", du " risk administration ", du contrôle interne ou encore le relèvement du niveau des provisions, doivent également être pris en compte. En d’autres termes, les fonds propres ne permettent pas de régler, à eux seuls, le problème de procédures de contrôle ou de gestion des risques fondamentalement insuffisantes. De plus il y a des risques relevant du premier pilier, mais qui n’y sont pas entièrement pris en compte tel que le risque de concentration du crédit soit sur une contrepartie ou soit sur un secteur. D’ailleurs et quoique Bâle II ait prévu que les banques puissent elles-mêmes évaluer leurs risques par leurs propres systèmes de notation, en vertu de l’approche de notation interne (IRBA), il n’en reste pas moins que cette attribution demeure subordonnée à un ensemble de critères minimaux destinés à garantir l’intégrité des évaluations. De plus, les autorités nationales ont toute la latitude de fixer des seuils plus exigeants, afin de compenser notamment d’éventuelles incertitudes. Le Maroc s’inscrivant justement dans ce schéma où les risques sont relativement élevés, il est loisible autant que fondé, que le Gouverneur de BAM exige des banques qu’elles détiennent des fonds propres au-delà du minimum requis. En effet, le niveau des créances en souffrances identifiées et affichées comme telles par le secteur bancaire Marocain, (en moyenne 8% des crédits distribués), demeure trop élevé par rapport aux normes internationales, compte non tenu des créances en souffrances " loupées " ou soit par manque de vigilance ou soit avec préméditation pour ne pas trop obérer le " bottom line " du compte de résultats de la banque. Aussi, dans le contexte actuel de l’environnement bancaire Marocain, l’approche standard adoptée par Bank Al Maghrib , quoique discrétionnaire, reste la plus appropriée, car " conservatrice " et prudente. Quant à l’approche fondée sur les notations internes " Internal Rating Based Approach " (IRBA), sous ses deux variantes, " fondation " ou " avancée ", elle requiert au préalable la mise à niveau de la pratique bancaire dans notre pays, notamment en termes de surveillance prudentielle et de discipline du marché. Les bases de données actuelles de la profession bancaire, en termes de segmentation de la clientèle, de probabilité de défaut, d’EAD ( exposure at default) et de GRR ( global recovery rate) ne sont pas encore suffisamment alimentées, faute de track record statistique probant. La mise en place, aujourd’hui, de l’approche IRBA risque de conduire à la survenance de lourdes pertes pouvant être supérieures à ce que prévoit le dispositif.

L’autre aspect sur lequel la profession bancaire surfe se rapporte aux exigences de communication financière par les banques inhérentes au dispositif Bâle II. Car c’est de la qualité et de l’exhaustivité de certaines informations financières, d’ordre quantitatif et qualitatif, que dépendra la fiabilité des méthodes internes d’évaluation de l’adéquation des fonds propres économiques pour la couverture des pertes inattendues ( unexpected losses). Bien entendu, c’est tout un travail de réflexion que doit mener Bank Al Maghrib avec la profession bancaire, l’Administration fiscale et les instances comptables, pour que le dispositif de la communication financière soit en phase avec les normes et pratiques comptables nationales.

En résumé, il me paraît Bank Al Maghrib a bien réussi à adapter le dispositif Bâle II (ou Mc Donough) au contexte bancaire Marocain. Elle a adopté la méthode standard pour le pilier relatif aux exigences de fonds propres et partant aux " actifs pondérés risque " (Risk Weighted Assets), pour garder la main sur le dispositif. En outre le gouverneur de BAM a décidé, à raison, de porter le coefficient des fonds propres à 10% et le cas échéant à 12%, compte tenu du profil risque du portefeuille global " engagements " de la profession bancaire. Pour ceux qui ne le savent pas, le dispositif Bâle II a prévu des pondérations ou des quotités de 125% pour les contreparties sensibles (125%X 8%) et des quotités de 150% pour les contreparties très sensibles (150%X8%). Ainsi, un crédit sensible devra être financé à concurrence de 10% sur fonds propres bancaires et un  crédit très sensible à concurrence de 12%. De plus, avec le spectre des créances en souffrances qui se profile à l’horizon, pour cause de bulle immobilière, il est à craindre qu’un coefficient de solvabilité à 12% ne s’avérerait pas suffisant, en terme d’exigence en fonds propres.

L’autre adaptation bénéfique, c’est lorsque le Gouverneur de BAM a décidé de privilégier le PMI/PME (le retail), les prêts au logement, en terme de pondérations idiosyncrasiques. Cela peut paraître paradoxal, dès lors que les petites entreprises présentent a priori un risque plus élevé que les plus grosses, et devraient par conséquent être affectées de coefficients de pondération supérieurs à 100%. Néanmoins, dans les finances, comme dans la Physique, plus une structure est grande et pesante, plus sa chute (son défaut) est lourde de conséquences et les dommages collatéraux qu’elle produit de large portée. En revanche, une petite unité (particulier, PME/PMI) est moins vulnérable au risque systémique, ne produit aucun effet d’entraînement sur son secteur, nonobstant sa probabilité de défaut plus élevée qu’une grande unité. Il est donc fondé d’exiger moins de capital pour cette catégorie de contreparties, d’autant que l’expérience d’un grand nombre d’opérations permet aux banques de mieux sélectionner la clientèle et donc de limiter les risques.

Le débat est ouvert.

                                                                           Mostafa Melgou



06/07/2009
0 Poster un commentaire

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 25 autres membres