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A quoi bon, donc, les élections?

Avant toute élection, qu’elle soit communale ou législative, nous assistons à une mobilisation des partis politiques et de la société civile pour exhorter les Marocains à aller voter en masse. Les motifs invoqués durant cette campagne des Communales demeurent les mêmes que ceux des précédentes campagnes. Ce sont toujours les mêmes leitmotiv et les mêmes prêches d’instructions civiques. Point de bilan sur le mandat précédent pour les conseillers sortants ; pour les nouveaux postulants, non plus, point de programmes mesurables sur la base de ressources de financement identifiées et chiffrées. Des promesses, rien que des promesses, comme si les électeurs potentiels étaient des amnésiques. Fait marquant, néanmoins, de cette campagne, comme l’avait rapporté la presse nationale, c’est la " milicité " de bon nombre de militants des formations politiques en lice. Qu’à cela ne tienne. A en croire les discours lénifiants, qui fusent par ce temps de campagne, l’on croirait que si le Marocain votait le 12 juin prochain, la décentralisation, la déconcentration seraient renforcées et leur corollaire, la démocratie serait consolidée et élargie. Ce sont, donc, les élections qui conditionnent, donnent un sens à la démocratie. Or, les élections ne déterminent pas sous tous les cieux le niveau de démocratisation d’un pays. Elle peuvent, dans des espaces composites retarder, même, le processus démocratique. Il faut distinguer entre deux types d’élections. Celles qui ont lieu dans les pays démocratiquement avancés, où l’Etat de droit est bien enraciné. Elles sont conçues comme un moyen pour permettre l’émulation et l’alternance des programmes partisans, dans le respect des valeurs démocratiques bien enracinées, partagées par toutes les strates sociales. Il s’agit là essentiellement de compétition entre classes politiques et confrontations de leurs programmes respectifs, le citoyen lambda votant ou s’abstenant, peu importe, dès lors que la démocratie est chose acquise et bien ancrée dans les mœurs. Sachez, par exemple que, aux USA, bon nombre de présidents avait été élu avec des taux de participation se situant entre 40 à 45%. Le reste des Américains ne daignant pas se déplacer pour voter, parce qu’ils sont rassurés que leur démocratie fonctionne, avec ou sans " Becaud ".

A l’opposé de ces élections – moyens telles qu’elles fonctionnent dans les pays démocratiques, il existe l’autre type d’élections, c’est à dire les élections fin en soi telles qu’elles sont conçues dans les pays, démocratiquement, moins avancés. Le souci des gouvernants, avec la complicité de la classe politique est de faire croire aux populations que déjà organiser des élections est un acte hautement démocratique et qu’aller voter est un acte hautement patriotique. L’on croirait qu’après l’organisation des élections , la démocratie sera au rendez-vous et le Marocain n’aura plus qu’à s’en délecter voire s’en assouvir, dans l’attente d’une prochaine étape de manifestation démocratique.

Aujourd’hui l’une des priorités majeures au Maroc est de résoudre la problématique de la démocratie et partant celle de ses ressorts à savoir les élections et la représentation politique. Précisons, d’abord, le signifiant. Un problème est par définition une situation à laquelle on peut trouver une solution, après étude et investigations, par voie scientifique ou par démonstration. En revanche, la problématique est une situation dont la réponse comporte des difficultés et admet plusieurs solutions qui sont parfois contradictoires. Elle peut même être ajournée, dans l’attente de disposer de meilleurs outils et conditions de réponse, car elle vise surtout l’interrogation pour la transposer au champ de la conscience et inciter à la recherche de ou des solutions.

Dans le champ politique Marocain, la controverse procède de la présentation du credo de la démocratie comme une nouvelle idéologie de salut. Nos intellectuels et politiques parient aujourd’hui sur la démocratie représentative que dégagent les urnes, comme ils ont parié hier sur le centralisme démocratique, tel un " sésame " pour ouvrir la grotte de la modernité en vue de réaliser le bond magique du développement, sans efforts, sans coûts et hors histoire.

Ils semblent oublier que contrairement à la logique du miracle qui sous-tend toute idéologie de salut, la démocratie est le couronnement d’un développement organique ; une dynamique historique dont on ne peut dissocier la cause de l’effet ; un aboutissement des évolutions économiques et sociales enregistrées et des progrès capitalisés par une société donnée.

Mais nos politiques, font des élections, qu’ils perçoivent comme étant synonymes de la démocratie, la clef à toutes les portes, en rompant la relation dialectique entre cause ( condition) et effet (résultat ). Ils placent la condition démocratique comme étant la condition absolue, un préalable à tout résultat ultérieur. Sans elle point de salut, mais avec elle tout est possible- un prétendu miraculeux remède à tous les maux.

La démocratie dont les élections ne sont qu’un rouage une semence à cultiver. Et le seul fait de dire que la démocratie est une semence avant d’être un fruit, nous renvoie à la déduction que la semence a besoin, pour grandir et mûrir, de travail et d’effort. La démocratie a finalement besoin d’un travail sur soi et dans la culture de la société.

Le péché de nos politiques est de faire croire aux Marocains qu’ils se réveilleront un jour et subitement avec une démocratie clé en main qui les affranchira du linceul du sous-développement et de la misère, réduira l’analphabétisme, le niveau du chômage, décloisonnera le monde rural, rétablira l’équité, combattra la corruption et la Kleptocratie , atténuera le fléau de la transhumance, rehaussera le niveau de notre PIB….etc

Nous reconnaissons que la démocratie est une condition nécessaire mais qui reste insuffisante pour opérer le décollage. Même la démocratie qui est une condition a besoin elle-même d’autres conditions, c’est à dire de vecteurs qui ont pour noms : le parler- vrai des politiques, une politique de vérité sur nos statistiques, sur les nouveaux riches ; une religiosité du travail et de l’effort, un Stakhanovisme Marocain dans la production et le rendement , le sentiment du citoyen que sa voix compte dans la prise de décisions qui engagent l’avenir de son pays... etc.

La démocratie y compris ses rouages que sont les élections, est in fine une culture, un système de valeurs solidaires. Il n’est de situation plus pernicieuse, insidieuse que de parler de démocratie et d’élections " propres " dans une société qui n’a atteint ni la modernité matérielle et de pensée, ni n’a réalisé sa révolution d’alphabétisation. La démocratie ne peut être un mode de gouvernance politique sans être aussi un mode de gouvernance sociale, sans oublier qu’elle ne régit pas uniquement les rapports entre gouvernants et gouvernés mais régit aussi ceux des gouvernés entre eux-mêmes. Et les élections sont justement au cœur de ce dernier rapport des gouvernés entre eux-mêmes.

Mais le constat amer aujourd’hui c’est que depuis l’indépendance à ce jour, les politiques ne cessent de semer des écueils pour entraver, avec des styles nuancés et relookés, le fonctionnement normal des rouages de la démocratie. Et la société, par son legs passéiste, sème les embûches à la culture démocratique. Dans ce schéma, les élections ne peuvent être qu’une mascarade, avec en prime un gaspillage des deniers publics et les résultats des scrutins ne peuvent déboucher que sur des représentations fantoches.

Jugez en par vous-même : Un parti qui a moins d’un an d’existence légale, dont le palmarès électoral est encore vierge, parvient à s’arroger une majorité au parlement et a décidé de retirer son soutien au gouvernement, le mettant ainsi en minorité. Incroyable ailleurs, mais vrai au Maroc. A quoi bon donc les élections?

                                                                                   Mostafa Melgou



11/06/2009
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